Bon, je sais enfin ce que je pense de Matthew Vaughn. Si Kingsman ne remet pas en cause la bonne opinion que j'ai de X-Men First Class, qui était davantage verrouillé par des obligations quasi-contractuelles avec une série à succès dont il fallait respecter l'univers, il me donne une opinion plus tranchée sur Kick-Ass, et pas très favorablement. C'est à ça, au final, qu'on pourrait résumer ce Kingsman ; une variante "film d'espionnage" de Kick-Ass, autant parodie d'un genre qu'hommage à ses plus beaux succès. Un sas de décompression, aussi, un long-métrage censément capable de faire rire des défauts de films qu'on aime, d'admettre leur existence, mais sans pour autant leur manquer de respect ni leur tourner le dos. Dans l'idée, ok. Reste comme toujours que Vaughn ne va pas assez loin, que sa liberté n'est que relative. Toujours ce ton hésitant, ces tentatives de créer, quand même des enjeux émotionnels. Comment cela serait-il possible, avec un tel univers ? Toujours des références geek à l'excès, et une mise en scène tapageuse qui crie haut et fort tout le cool qu'elle voit dans le récit qu'elle met en images. Le problème, c'est que cet univers se regarde tellement le nombril qu'il se fige complètement et finit très vite par ne plus proposer que des moments prévisibles, ou presque. Des scènes pour la plupart sagement cantonnées dans le quota de fun, d'épate et de pseudo-irrévérence du cahier des charges, qui jamais n'oseront aller très loin dans la provocation ou dans la satire. Si quelques scènes font exception, elles sont bien trop rares, et l'ensemble manque de jusqu'au-boutisme. Dès lors, la plupart des effets tombent à plat, noyés dans une esthétique 2.0 (numérique à foison, cadrage et découpage intenable qui se gargarisent de leur originalité) qui renforce encore la personnalité geek de l'entreprise. Un peu comme devant un Marvel, j'ai l'impression de voir le film dérouler un programme de façon ostentatoire, mais s'en féliciter. Presque de l'auto-congratulation. Pourtant, je trouve que les vieux James Bond arrivaient bien mieux à assumer leur absurdité, sans avoir à la surligner sans cesse, juste par les sourires entendus d'un Sean Connery qui savait le flegme de son personnage impossible, ou une surenchère qui s'amoncelait lentement sans trop sauter aux yeux, laissant le soin à son spectateur de choisir si oui ou non, il pourrait s'accommoder d'un irréalisme si manifeste. Kingsman, en tout cas, manque soit de ce genre de finesse (qu'une bonne parodie aurait simplement pu pousser un peu plus loin pour développer ses effets comiques) soit d'une vraie irrévérence pour marquer réellement. Prévisible et formaté, j'ai du mal à voir en Kingsman quelque chose de plus qu'un nouvel objet générationnel désespérément persuadé qu'il est cool, et que cela le dispense de proposer réellement quelque chose de chiadé.