Comment transposer à l’écran l’univers de la radio, donc du son sous toutes ses facettes, c’est apparemment une gageure que le documentariste français Nicolas Philibert ne parvient pas complètement à relever. À l’issue de la projection, au-delà du plaisir simple qui consiste à jouer à mettre des visages sur des voix reconnues, c’est surtout la frustration qui nous saisit. Celle d’avoir vu une succession de vignettes parcellaires et subjectives censées représenter le monde de La Maison de la radio, soit ce bâtiment circulaire – parabole évidente d’un monde clos, sinon refermé sur lui-même – où se nichent les différentes antennes du groupe, les studios, les auditoriums, les bureaux. Sans voix off ni interviews, hormis celle de Frédéric Lodéon retranché derrière ses piles de disques, le réalisateur de Retour en Normandie tente de cerner l’activité foisonnante et éclectique d’un média à peu près unique sur la planète (peut-être la BBC) qui continue à faire la part belle à la recherche, à la création et au défrichage.
Loin des projecteurs et de la personnalisation à outrance, du fait même que ses intervenants travaillent dans l’invisibilité, la radio demeure ce territoire privilégié où l’auditeur peut rêver et imaginer sans limites, notamment parce que la voix est le vecteur idéal à l’évasion. Le documentaire montre également combien, débarrassée du décorum et devant faire avec l’exigüité des lieux et la modestie des moyens, la radio est aussi le média de la proximité : celle des animateurs interviewant leurs invités dans une intimité spatiale prompte à la confidence – l’émission d’Alain Veinstein en est à cet égard la parfaite illustration – celle des reporters, sportifs ou autres, auprès des anonymes, celle encore des producteurs (les fictions, les concerts) auprès des artistes. Un monde que l’on pressent foisonnant et passionnant, mais qu’on aurait aimé pénétrer davantage en en comprenant mieux les rouages et les modes de fonctionnement. Les longues séquences musicales apparaissent ainsi comme hors-sujet et on regrette aussi que Nicolas Philibert se soit surtout concentré sur l’antenne de France Inter. Les auditeurs attentifs et fidèles des chaines du service public y apprendront peu et souriront à l’occasion (Jean Bernard Pouy épluchant ses patates, laissé seul devant un micro par Rebecca Manzoni, est un instant de pure jubilation), tandis que les autres s’y ennuieront, si tant est d’ailleurs qu’ils envisagent de voir le film.