Amore Carne est le deuxième long métrage de Pippo Delbono, également metteur en scène de théâtre. Il avait réalisé un film autobiographique, Grido, en 2007.
Lors de ses pérégrinations pour Amore Carne, l'Italien Pippo Delbono s'est notamment entouré de trois femmes françaises : la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, dont c'est le premier long métrage ; l'artiste contemporaine Sophie Calle, déjà exposée au Centre Pompidou et qui a réalisé No Sex Last Night en 1994 ; enfin, l'actrice Irène Jacob, dont le dernier film Rio Sex Comedy remonte à 2010. Le réalisateur a également retrouvé Bobò, son comédien fétiche.
Amore Carne a été sélectionné en 2011 à la Biennale de Venise pour le Prix "Orizzonti" ; il a également été récompensé par le Prix spécial du Jury au festival Visions du Réel de Nyon en 2012, spécialisé dans les documentaires.
Préférant s'exprimer et filmer avec des moyens simples et donner l'impression d'un journal intime, le réalisateur Pippo Delbono a tourné Amore Carne avec une caméra HD mais également avec la caméra d'un téléphone portable comme il l'avait fait pour La Paura. Selon lui, si ce type de caméra est utilisé avec intelligence, il peut rendre compte de choses incroyables : "Une certaine lumière, une certaine couleur peut créer une poésie absolument unique ; comme cela s’est passé avec Irène Jacob, au bar, qui me rappelle un tableau impressionniste. Dans cette peinture, souvent l’image n’est pas nette, mais possède une grande profondeur. On y trouve l’âme d’un paysage, l’âme d’un visage, l’âme d’une joie, l’âme d’une souffrance."
Amore Carne est né du désir du réalisateur de se concentrer sur l'avenir. Son film précédent, La Paura, a vu le jour en raison de son besoin de raconter le moment présent, période compliquée à vivre pour l'Italie d'aujourd'hui. Avec Amore Carne, il a voulu laisser derrière lui la paura (la peur) pour restituer une sorte d'harmonie avec les choses du monde.
Filmer avec un téléphone portable, selon Pippo Delbono, a l'avantage d'être discret. Il ne génère pas de malaise car les personnes filmées ne regardent pas la caméra mais celui qui la tient, là où la caméra habituelle intimide. Il raconte : "C’est comme le regard d’un enfant : il ne crée pas de gêne, de censure, de peurs… Comme le regard d’un enfant, ce cinéma est léger et il a la capacité de danser. La caméra vidéo du téléphone permet de filmer en suivant le rythme des yeux : les yeux qui cherchent les choses, qui reculent, qui se donnent du courage, qui s’arrêtent, les yeux qui agressent, nous regardent et se laissent regarder."
Amore Carne se construit autour de textes de grands poètes. On y retrouve, à côté de ceux du réalisateur, ceux de Pier Paolo Pasolini, de T.S. Eliot et d'Arthur Rimbaud. L'un des textes de ce dernier, utilisé pour le film, sert également pour les spectacles du réalisateur. "Rimbaud parle de l’inquiétude de l’âme, d’un désir de lumière, de spiritualité – des mots qui nous font souvent peur. Pour moi, le cinéma est une spiritualité laïque. Rimbaud parle de cela. Il parle d’une folie qui devient illumination. Un amour qui ne réussit pas à se détacher de la chair. Ce n’est pas un hasard si l’on trouve dans le film autant Rimbaud que Pasolini, deux poètes d’amour et de chair", explique Pippo Delbono. Quant à T.S. Eliott, il s'est servi de ses poèmes car ils évoquent le sens profond de la vie, ce qui se rattache au thème principal de son long métrage, la mort.
Pippo Delbono est en quête de vérité. Une vérité, ici, comique malgré des thèmes difficiles. Ainsi, il y a une scène du film où le réalisateur se soumet à nouveau au test du SIDA et qui a un ton très particulier. "C’est vraiment une comédie à l’Italienne, avec toutes ses caractéristiques. C’est une scène comique, par certains aspects, absurde. Il y a tous ces formulaires à remplir, cette bureaucratie…", raconte-t-il.