Dire que des daubes comme Paranormal Activity bénéficient d’une com’ outrageuse alors qu’il existe des petits bijoux comme Megan is missing. A mi-chemin entre le docu-fiction et le found-footage, il prend aux tripes et pose les bases d’une réflexion à plusieurs niveaux sur l’éducation, la violence, l’hypersexualisation des jeunes ou encore la disparition de la vie privée sur Internet.
Megan is missing reconstitue les évènement menant à l’enlèvement des deux jeunes filles sous forme d’échanges vidéophoniques, de journaux intimes sur caméra, d’extraits de caméras de surveillance, d’émissions de télévision et de photos.
Sous une apparence assez brouillon, le film fait en réalité preuve d’un timing très bien géré et nous tenant en haleine du début à la fin. La première moitié fait monter le suspense et le malaise en relatant les évènements menant aux disparitions. Cette partie se veut “soft” mais contient des éléments extrêmement choquants qui, s’ils sont vécus ou racontés de manière “normale” par Megan, ne le sont pas du tout.
La seconde moitié, initiée par deux photos extrêmement choquantes de Megan trouvées sur internet après sa disparition, est une descente aux enfers que l’on regarde malgré nous, fascinés et horrifiés. Le réalisateur en montre peu, sans plonger dans le gore ou le torture porn. Il demeure très réaliste, ce qui rend les rares scènes vraiment choquantes à la limite du soutenable car l’on sait pertinemment que tout ceci pourrait être vrai.
Pour rendre son film plus réaliste, Michael Goi l’agrémente d’éléments de “preuves” : notamment, l’extrait d’une caméra de surveillance montrant le moment exact de l’enlèvement de Megan et là quel point une fillette de 14 ans est sans défense face à un homme lui prenant le poignet pour la forcer à le suivre.
A noter également, des passages intéressants comme cet extrait d’une émission de télévision tape-à-l’oeil et dramatique : “Megan is missing !”, à grand renforts de reconstitutions, d’interviews des parents et de romançage bidon.
A noter : la photographie est assez désagréable (étrange pour le premier film d’un directeur de la photographie me direz-vous), mais je pense que c’est complètement à dessein que Michael Goi propose des extraits cheap afin de renforcer le côté réaliste.
Parmi les thèmes abordés dans ce film, nous pouvons compter les suivants :
1. L’irresponsabilité des parents : la mère de Megan est très clairement responsable en partie de la disparition de sa fille. Si elle lui accordait plus d’attention, l’adolescente n’aurait pas ce besoin maladif de plaire, et n’aurait pas été blessée dès l’enfance, avec des séquelles psychologiques visibles. Le contraste est d’autant plus saisissant comparé à sa meilleure amie qui semble avoir eu une enfance normale, bénéficiant de parents attentifs. Megan ne sait pas exactement qui est la personne à qui elle s’adresse sur Internet puisqu’elle ne l’a jamais rencontré. Elle n’a à sa disposition qu’une photo et nous n’avons aucune preuve qu’elle soit vraie. Dans ce besoin maladif d’attention et de reconnaissance, elle en devient crédule et se met en danger.
2. Le rôle des médias : Amy n’aurait peut-être pas été autant en danger si les médias ne s’étaient pas emparés de l’affaire. D’autre part, l’émission “Megan is missing” dénonce la désinvolture avec laquelle la télévision reprend des faits dramatiques pour les livrer en pâture au public à leur sauce.
3. L’hypersexualisation des jeunes et la pédophilie : la première partie du film aborde ce thème à répétition et à grand renfort de détails. MALAISE.
4. La violence et le bizutage : Amy, différente, est le mouton noir du groupe d’amis de Megan parce qu’elle n’est pas assez “cool” (Cool signifierait-t-il s’habiller comme une pute et faire des fellations à 14 ans ? Mais oui, c’est bien cela. Bref.). Un phénomène renforcé par l’effet de groupe, et probablement une fois de plus l’indifférence parentale qui n’a aucune idée de ce qui se joue.
5. Dernier point et pas des moindres : la disparition de la vie privée sur Internet. Les jeunes filles ne sont pas vigilantes et se montrent à la caméra. Nous sommes d’autant plus conscient de cela que nous nous trouvons à la place de l’interlocuteur. Nous voyons donc ce qu’il voit et parlons pour lui. Un choix très pertinent de la part du réalisateur, qui renforce le malaise créé. Megan oublie régulièrement d’éteindre sa webcam, qui donne sur sa chambre, son monde, son intimité.
Je pourrais dire “un film à projeter dans tous les collèges pour leur apprendre à faire attention aux cyberprédateurs” mais j’ai été tellement choquée que je ne l’imposerais de force à personne.
De tous les found-footage que j’ai vus (dont [REC], Cloverfield, Paranormal Activity etc.) celui-ci est de loin le plus efficace et le plus effrayant. Egalement généralement plus efficace qu’un torture porn car le jeune âge des victimes seul est difficile à encaisser, provoquant une empathie excluant tout second degré. Je lui accorde 9/10 pour son efficacité, mais ne le recommande qu’aux spectateurs avertis.