Avec son casting de haute volée, réunissant deux des acteurs les plus en vue du moment, et un scénario prometteur faisant la part belle aux conséquences des choix des pères sur leurs enfants, "The place beyond the pines" avait su susciter mon intérêt, et ce d‘autant plus que les critiques ne tarissait pas d’éloge sur le film. Malheureusement, j’attendais sans doute beaucoup trop et c’est peu dire que je suis resté sur ma faim ! Tout commençait plutôt bien pourtant avec une belle amorce scénaristique sous forme de catastrophe annoncée. On se prend, ainsi, à s’intéresser à la vie de ce cascadeur sombrant dans la délinquance (Ryan Gosling, très bien dans un rôle cependant trop proche de celui de "Drive") et à ses velléités de vie normale lorsqu’il apprend qu’il est père d’un petit garçon. La naissance de ce sentiment de paternité et les tentatives sincères du personnage de tenir son nouveau rôle sont touchantes, voire bouleversantes puisqu’elles sont mises à néant par ses propres démons. Les vieux réflexes de ce nouveau père,
qui ne voit pas d’autres solutions que les braquages pour assurer un avenir à son fils ou la violence pour régler un conflit
, sont plutôt bien exploitées et laissent présager un grand film sur la fatalité et l’influence du milieu social sur sa destinée. Malheureusement, l’arrivée du personnage du flic (joué par l’impeccable Bradley Cooper) vient bouleverser le film… et pas dans le bon sens. En effet, on se rend, alors compte, que "The place beyond the pines" sera un drame en trois actes (assez grossièrement divisés d’ailleurs) et qu’on vient d’assister au meilleur. Car, dès le deuxième acte,
avec son intrigue de flics ripoux dénoncés par leur collègue plus arriviste qu’incorruptible
, le film perd de son intensité et tente, de façon un peu artificiel, de maintenir un semblant de cohérence par le biais de la propre paternité de ce policier. Le réalisateur veut, ainsi, imposer un parallèle évident entre ces deux enfants… qui aurait pu être intéressant
(surtout au vu des liens qu’entretient le flic avec chacun de ces deux enfants dans cet acte)
s’il n’était pas aussi dilué dans l’intrigue principale de cet acte. Le sujet du film semble, alors, bien éloigné et on peine à trouver une quelconque cohérence dans tout ça. On se dit alors que l’explosion va avoir lieu dans le troisième est dernier acte où les deux enfants, devenus adolescents, se retrouvent dans la même école. Ce dernier tiers vient, pourtant, achever les derniers espoirs du spectateur puisqu’il confère aux deux jeunes des caractères inattendus mais, au final, décevants. Si le fils du cascadeur (joué par l’excellent Dane DeHaan, qui est terriblement sous-exploité ici) peut encore avoir un léger intérêt dans sa quête d’identité
(à commencer par celle de son père)
, il n’en est pas de même face à l'insupportable fils du flic, devenu entre-temps politicien (joué par le bourrin Emory Cohen) qui souffre d’un manque de subtilité invraisemblable. J’aurai préféré une alchimie plus forte entre ces deux personnages,
ce qui aurait rendu leur ultime confrontation plus dramatique
. C’est d’ailleurs un problème récurrent du film : il refuse de s’intéresser en profondeur à ses personnages (à part celui du cascadeur peut-être) au point qu’on a bien du mal à comprendre leurs motivations ou l’explication de leur actes. Mais, surtout, je crains que, au final, le problème principal du film ne soit pas tant son scénario (et ses parti-pris) que sa mise en scène. En effet, je pense que j’aurais pu adhérer à ce fatalisme ambiant et au message du film (les choix des parents façonnent leurs enfants) si le réalisateur Derek Cianfrance n’avait pas sombré dans une austérité pesante, à coups de longueurs invraisemblable (le film dure près de 2h30 et les lenteurs sont innombrables), d’images sombres, de couleurs délavées et de BO lancinante qui s’impose tout au long du film. II manque à ce "The place beyond the pines" une densité dramatique plus exacerbée… ce qui parait hallucinant au vu du sujet, qui y était particulièrement propice. On retiendra, tout de même, ce premier acte réussi et quelques seconds rôles intéressants (Eva Mendes en mère paumée, Rose Byrne en épouse délaissée, Ray Liotta en flic ripoux, Harris Yulin en père politicien, Bruce Greenwood en supérieur mais surtout l’excellent Ben Mendelshon en complice). Mais c’est bien trop peu pour sauver ce film de l’oubli auquel il semble promis… Dommage, vraiment dommage !