Télé gaucho est un film qui peut faire rire comme pleurer. Mais d'abord, que ce soit dans la drôlerie ou dans la tristesse, Leclerc instaure un équilibre. Car oui, une chose qui frappe, c'est que les clichés pleuvent. Mais les clichés sont répartis, et le film ne tombe pas dans la satyre d'un groupe en particulier. Tous les personnages y passent. Les «héros » du film, les moins héros, même les figurants sont parodiques. Et chacun donne matière à réfléchir. On passe de la militante féministe radicale et bornée incarnée par une Maïwenn comiquement hystérique, à la présentatrice télé sur-médiatisée qui méprise ce qu'elle fait, en passant par le gauchiste en keffieh qui, derrière ses belles paroles, dort bien au chaud dans les beaux quartiers. Le film fustige tout le monde, et le personnage d'Emmanuelle Béart le résume bien : Quel est le pire ? Faire de la merde consciemment, ou mépriser les autres en se cachant derrière des belles idées ?
Il n'y a pas à trancher ou juger. Tout le monde a ses contradictions et ses bassesses, mais chacun les gère à sa façon, et le film nous le rappelle gentiment.
Ce film, s'il tire sur tout le monde, se donne aussi le droit d'être drôle. L'humour est loufoque et social, il est ironique et décalé, il est jubilatoire. Dans chaque situation il y a matière à rire, de toutes les formes de rire possibles.
Mais la drôlerie est toujours teintée de désespoir. Clara, campée par une Sara Forestier à fleur de peau, en est l'exemple le plus parfait. Un instant heureuse, l'autre désarmée, Clara est un clown triste. Michel Leclerc réussit à donner une poésie terrible à l'errance de cette fille à la fois solaire et lunaire. Je n'aime pas sentir qu'un réalisateur est béat d'admiration pour sa comédienne, Mélanie Thierry en avait fait les frais récemment, mais là, et c'est peut-être injuste, ça passe bien.
On sent l'admiration que la caméra voue à son actrice, mais on a envie de la partager, cette espèce de bienveillance. Ce personnage paumé nous touche, justement parce que ses côtés obscurs sont exacerbés. On n'essaie pas de nous la vendre comme une fille parfaite et bourrée de désinvolture, non, c'est aussi sa noirceur qui nous fascine.
Entre fous rire et cœur qui se serre, on en traverse, des émotions. Mais finalement, c'est aussi une grande nostalgie qui s'empare de nous à l'arrivée du générique. Télé Gaucho met en scène la fin des idéaux, la transition entre les époques, les pages qui s'écrivent puis se tournent... Derrière la drôlerie constante, le message n'est peut-être pas si gai : Suis-je ce que je voulais être ? Me suis-je perdu en route ? Et de toute façon, à quoi bon, puisqu'au fond tout ça est si dérisoire ?