Frédéric Sojcher mène une double vie professionnelle:
- D'une part, il réalise des films depuis son adolescence. Le dernier en date est un court-métrage intitulé Climax et interprété par Patrick Chesnais et Lorànt Deutsch. HH est son troisième long-métrage. Auparavant, il a réalisé Regarde-moi en 2000 et un documentaire, Cinéastes à tout prix en 2004, lequel a été choisi au Festival de Cannes en sélection officielle mais hors compétition.
- D'autre part, il est maître de conférences à l'Université de Paris 1. Il a écrit ou participé à plus de quinze ouvrages sur le cinéma, dont Cinéma européen et identités culturelles (1996), Luc Besson: Un Don Quichotte face à Hollywood? (2005), La direction d'acteur (2008), Le Manifeste du cinéaste (2009), et Pratiques du cinéma (2011) où il évoque son parcours bilatéral d'enseignant et de cinéaste ainsi que le tournage et la postproduction du film HH, Hitler à Hollywood.
Dans Cinéastes à tout prix, Frédéric Sojcher se focalise sur trois cinéastes autodidactes qui parviennent à réaliser des longs métrages sans bénéficier d'aucun moyen. Ils réinventent les règles et proposent une alternative aux circuits dominants. Le cinéma représente à part entière une existence, et même "la vraie vie". De l'aveu de Sojcher, HH Hitler à Hollywood a plusieurs points communs avec Cinéastes à tout prix, notamment en ce qui concerne la passion et le pouvoir du cinéma.
Le scénario a été écrit avec Renaud Andris et Lionel Samain qui souhaitaient voir sur écran un thriller autour du cinéma européen. La scénariste et romancière Catherine Rihoit a participé à la rédaction du script final. De vrais événements historiques et des situations totalement inventées se juxtaposent ainsi les uns à côté des autres.
Maria de Medeiros avait déjà tourné dans un court-métrage de Frédéric Sojcher, A comme Acteur. L'actrice portugaise et le cinéaste français sont toujours restés en contact. Connaissant son attachement au cinéma européen, Sochjer a fait appel à Maria de Medeiros pour tourner Hitler à Hollywood.
Le cinéaste Frédéric Sojcher a exploité des faits avérés autour des rapports occultes entre Adolf Hitler et des dirigeants du système hollywoodien de l'époque. Bien que les acteurs jouent leurs propres rôles dans HH, le film relève néanmoins du domaine de la fiction.
Maria de Medeiros affirme qu'il n'est jamais facile de "se jouer soi-même". L'actrice explique qu'il y a des comportements et des gestes très personnels qui se produisent naturellement à l'écran, mais que d'un autre côté, chacun est un personnage de fiction à part entière, qui interprète un texte écrit par d'autres. En définitif, "la frontière n'est pas claire mais elle existe néanmoins".
Conçu avec un petit budget, HH, Hitler à Hollywood a été tourné en six semaines, avec de nombreuses interruptions du fait des déplacements dans différents pays: de Paris à Cannes, les équipes du film se sont ensuite rendues à Berlin, Londres, Venise et à Malte. Frédéric Sojcher propose en outre une révolution technique puisque il a réalisé son film à l'aide d'un seul et unique appareil photo numérique. Le Canon 5D Mark II permet en effet de prendre 30 clichés par seconde et donc de capturer encore plus d'images que ne le peut une caméra de type standard (24 images par seconde).
Carlo Varini, le directeur-photo de HH, Hitler à Hollywood, a été chef opérateur sur les trois premiers longs métrages de Luc Besson, Le Dernier combat (1982), Subway (1985) et Le Grand bleu (1988). A noter aussi son travail sur Les Choristes (2003). Il a aussi été enseignant à la Femis et est membre de l'Association française des directeurs de la photographie cinématographique (AFC).
Dans HH, Hitler à Hollywood, le père de Frédéric Sojcher joue un collectionneur sourd. Amusé par ce choix, le réalisateur dit d'ailleurs qu'il laisse les psychanalystes l'interpréter comme ils l'entendent.
HH, Hitler à Hollywood possède une esthétique visuelle très particulière. Cela tient aux choix de Frédéric Sojcher lors de l'étalonnage du film: "Avant le tournage, nous avons (...) décidé de retravailler l'image en postproduction. L'idée consistait à détourer les personnages principaux pour polariser leur présence (rendre les couleurs plus vives) et à désaturer tout le reste de l'image. Cela donne deux dimensions, entre couleurs et noir et blanc, entre présent et passé. Comme s'il y avait un côté organique propre au film". Huit semaines ont été nécessaires pour effectuer ce travail qui demande finesse et précision. Plus de 100 000 images du film ont été ainsi manipulées et altérées pour créer cet effet de polarisation corporelle.
Surprenante est la collaboration entre Frédéric Sojcher et Vladimir Cosma. Si le cinéaste explique que "la musique porte une nouvelle écriture, un nouveau souffle, un axe émotionnel", il affirme également qu'elle est "aussi importante que le scénario et fait partie de la narration". Le nom de Cosma ne parlera peut-être pas à tout le monde, mais son CV est des plus étoffés qui soient. Violoniste de formation, pianiste et chef d'orchestre, il a conçu les bandes originales du Grand Blond avec une chaussure noire (1972), des Aventures de Rabbi Jacob, de L'Aile ou la cuisse (1976), d'Un éléphant, ça trompe énormément (1976), de la Zizanie (1978), de La Chèvre (1981), du Le Père Noël est une ordure (1982), de La Boum (1980), de Banzaï (1983), de La Gloire de mon Père (1990), de La Totale ! (1991), du Bal des casse-pieds (1991) et du Dîner de cons (1997)... Il s'est ainsi spécialisé dans la confection de la musique de films comiques.
Lorsqu'on lui demande quelles sont les raisons qui l'ont poussé à choisir ce titre pour son film, Frédéric Sojcher explique que le premier H renvoie à Hitler, le pire dictateur du 20ème siècle, et le second H à Hollywood, symbole de l'industrie du cinéma. Établir une corrélation entre l'industrie culturelle du cinéma et la dictature qu'elle exerce sur l'imaginaire collectif, voilà tout l'objectif du cinéaste. Sojcher explique également que "ce titre est aussi une manière de ne pas se prendre au sérieux - comme quand Mel Brooks, dans son film Les Producteurs, évoque un projet de comédie musicale, Springtime for Hitler".
Adolf Hitler était un grand cinéphile. Il disposait toujours d'une salle de projection dans chacune de ses résidences et y visionnait toutes sortes de films, y compris ceux qui étaient censurés auprès du public allemand. S'il s'est bien gardé de le dire haut et fort, il appréciait grand nombre de productions hollywoodiennes.
Outre l'Allemagne Nazie, les plus grandes dictatures du 20ème siècle ont utilisé le cinéma comme instrument idéologique. En dehors des actualités filmées et des documentaires qui valorisaient le régime, il y avait aussi la voie de la fiction populaire. Lénine a dit que "le cinéma est plus important que l'électricité", Franco a écrit plusieurs scénarios de films et Mussolini a fait construire la ville de Cinecittà, capitale du cinéma italien, sur le modèle hollywoodien. Y ont été tournés les films de "téléphones blancs".
Frédéric Sojcher précise qu'il n'est pas nécessaire d'être cinéphile pour entrer dans le film. En revanche, il faut être capable d'être en interaction avec l'oeuvre et de vivre une autre expérience de cinéma que celle que l'on vit face à un "blockbuster" américain.
Luis Aramcheck est un cinéaste juif qui a vécu en Belgique avant la Seconde Guerre Mondiale. Il y a réalisé quelques feuilletons radiophoniques ainsi qu'un court métrage, Jeux de plage, qui conte une histoire d'amour impossible. Il se fait remarquer grâce à cette oeuvre par Abel Gance et Marcel L'Herbier. En 1939, il a tourné un film avec Micheline Presle qui s'intitule Je ne vous aime pas. A cause du contexte historique et du conflit imminent, le film n'est jamais sorti sur les écrans. Sous l'Occupation, Luis Aramcheck s'est exilé à Londres. Une première de son film doit être projetée après la guerre. Malheureusement, cet événement est annulé. Aramcheck disparaît subitement de la circulation. Personne ne sait ce qu'il est devenu. Personne ne sait s'il a poursuivi son activité de cinéaste.
L'une des seules citations qui nous soit restée de Luis Aramcheck est celle-ci: "Défendre le cinéma européen, ce n'est pas vouloir remplacer Hollywood par une autre forme d'hégémonie. Défendre le cinéma européen, c'est aussi souhaiter l'émergence de cinémas africains, asiatiques, sud-américains... Ce n'est pas être contre Hollywood. C'est croire en l'échange et en l'émulation culturelle de peuples libres". Tout un programme!
A la suite de la Seconde Guerre Mondiale, les films américains, longtemps boycottés dans les pays occupés par le régime allemand, ont été massivement diffusés. Les accords entre Léon Blum et James Byrnes (secrétaire d'Etat à la Maison Blanche) ont été signés en 1946. Si la France voit ainsi une partie de sa dette épongée par les Etats-Unis, elle doit aussi obéir à certaines mesures. Parmi elles, il est stipulé que l'ensemble du parc des salles de cinéma françaises fasse une large promotion des films américains. L'objectif implicite est de faire de la propagande pour l'American Way of Life.
A l'origine, "Hitler à Hollywood" est le nom de code d'un gigantesque complot que Luis Aramcheck a essayé de dénoncer. McBridge a monté une cellule secrète pour protéger les intérêts d'Hollywood, préserver son image et sauvegarder ses bénéfices. Cette cellule aurait acheté ou éliminé tous les opposants de ce système de production cinématographique.
A cette époque, Aramcheck avait mis au point un projet qui aurait permis au cinéma européen de rivaliser avec le cinéma hollywoodien. Malheureusement pour lui, tout est tombé à l'eau et il a dû fuir pour protéger sa famille.
Luis Aramcheck continue d'être boycotté encore aujourd'hui. Ses œuvres restent inaccessibles au public bien qu'elles aient été réalisées il y a maintenant 70 ans. Il semblerait que ce dont il a connaissance serait très gravement nuisible pour l'image de marque d'Hollywood.
Danielle Darrieux, Michèle Morgan et Micheline Presle ont été considérées comme étant les "Trois Glorieuses", trio d'actrices symbolisant le visage idéal et paradisiaque de la France d'avant-guerre, la Française de rêve. Elles ont toutes trois eu une prodigieuse carrière à l'époque de l'âge d'or du cinéma français entre les années 30 et 60. Micheline Presle a joué dans plus de 60 films et a été dirigée par les plus grands cinéastes de l'époque: les français Abel Gance, Marcel L'Herbier, Marc Allégret, Jacques Becker, Claude Autant-Lara, Sacha Guitry, Philippe de Broca, Julien Duvivier, Jacques Demy, Claude Chabrol, mais aussi les allemands Georg Wilhelm Pabst et Fritz Lang, l'anglais Joseph Losey et l'italien Vittorio De Sica. Micheline Presle part s'installer aux Etats-Unis dans les années 40. Elle y épouse un américain du nom de William Marshall. Une fille naît de leur mariage. Il s'agit de Tonie Marshall, la réalisatrice césarisée de Vénus beauté (institut). A noter que sa mère y fait une apparition.
Micheline Presle raconte que sa rencontre avec le cinéaste français Frédéric Sojcher a été digne d'un film: "C'est une vraie rencontre et le cinéma est l'art des rencontres", commente l'intéressée.
Marc Ferro, qui a écrit un ouvrage emblématique intitulé Cinéma et Histoire, a énormément travaillé sur la Première et la Seconde guerre mondiale, sur l'Union Soviétique, sur le Monde Arabe et sur la Colonisation. Il apparaît dans HH, Hitler à Hollywood. Comme presque tous les acteurs du film, il y joue son propre rôle et donne quelques précisions sur l'inquiétant personnage que fut McBridge, sénateur et lobbyman à la solde des studios. Ferro y explique aussi qu'Hitler a toujours eu conscience de l'importance du cinéma et que les nazis estimaient que, plus que les livres, les films constituaient le meilleur instrument de propagande pour le pouvoir en place.
Dans HH, Hitler à Hollywood, Marc Ferro affirme qu'Hitler s'est suicidé car il craignait d'être capturé par les Soviétiques. Il n'a pas supporté l'idée qu'il serait amené à Moscou, enchaîné, pour y être livré en pâture aux huées de la foule.
Maria de Medeiros donne son point de vue sur le cinéma américain, dont les rouages sont vivement dénoncés dans le film HH: "Il y a de tout aux Etats-Unis. Le pire comme le meilleur. Il y a des films à gros moyens que symbolise Hollywood, mais il y a également de magnifiques films indépendants qui se montent sur le courage incroyable de metteurs en scène. Ces jeunes cinéastes s'endettent et endettent leurs proches pour arriver à faire leur film. (...) C'est terrible d'en arriver là pour se donner les moyens d'exercer son talent ou d'assouvir sa passion".
Frédéric Sojcher affirme aimer de nombreux films hollywoodiens mais plus encore les films issus du cinéma américain indépendant. Lorsqu'il s'exprime là-dessus, c'est pour expliquer que "le cinéma indépendant, par son existence, stimule l'innovation et l'inventivité des studios. Grâce à ces deux composantes, le cinéma américain est le meilleur du monde". Sojcher précise en outre que s'ils avaient les mêmes moyens économiques et les mêmes dispositions pour assurer le marketing et la diffusion, les cinémas européens en seraient valorisés de façon considérable: "Il ne s'agit pas d'être anti-américain, mais de ne pas accepter que le cinéma américain soit le seul à dominer le monde".
Maria de Medeiros explique que le système européen permet de recevoir des aides des différents Etats pour réaliser des films, contrairement aux Etats-Unis. L'actrice affirme être très attachée à ce concept européen, et insiste sur le fait que "les états doivent soutenir la culture quelle qu'elle soit, sans intervenir dans son contenu. Une démocratie forte a besoin d'une culture forte. N'oublions pas que la culture est un puissant ambassadeur de son pays".
En 1993 sont passés de nouveaux accords, ceux du GATT, qui incluent la libéralisation massive des services. Ces protocoles menacent directement le domaine du cinéma et de l'audiovisuel. Il faut savoir qu'aux Etats-Unis, il n'existe aucune aide nationale pour le cinéma, contrairement en Europe.
Les professionnels et les politiciens français ont inventé le principe d'exception culturelle pour le cinéma et l'audiovisuel. Ils considèrent que ce domaine n'est pas à considérer comme un quelconque service et que son envergure culturelle permet de faire véhiculer l'identité et les valeurs d'un pays. Le Centre National de Cinématographie propose une avance sur recette qui permet de financer la réalisation de nombreuses œuvres.
Il existe en Europe un système de quota qui garantit la circulation et la diffusion des films et produits audiovisuels dans chaque pays de l'Union Européenne. Sans ces quotas, toute une partie de la production cinématographique et audiovisuelle en Europe disparaîtrait.