L’attente était sans aucun doute trop cossue pour la frêle vision du monde de la pègre du cinéaste de Bienvenue à Zombieland, Ruben Fleischer. Oui, habitués que nous sommes d’un standard très élevé propres aux films de gangsters, Gangster Squad ne pouvait que décevoir des cinéphiles rompus aux travaux plus significatifs de réalisateurs tels que Martin Scorsese, Brian De Palma, Francis Ford Coppola ou encore Michael Mann. Le film de Fleischer souffre dès lors d’un mal incurable, la comparaison avec d’autres films, nettement meilleurs. Ajoutons à cela une comparaison, également, au travail du romancer James Ellroy et notamment à l’adaptation d’une de ses plus célèbres nouvelles, L.A. Confidential, pour évoluer dans un même registre, celui de la cité des Anges et du vice lui étant propre. En gros, le film de Ruben Fleischer, qui avait, sur le papier, de quoi titiller les appétits cinéphiles de toutes sortes, n’est qu’une ombre au tableau, un insignifiant brûlot d’action dans un contexte qui ne livre malheureusement aucune de ses richesses.
Le réalisateur rempli d’abord les quotas, créant sa brigade policière en n’omettant pas d’y inclure le héros américain persévérant modèle, le beau gosse ici sans répartie, le vieux roublard témoin d’une époque révolue, le binoclard ainsi qu’obligatoirement un noir et un latino. Ça commence mal. Face à cette équipe de justicier insolite et trop peu crédible, se dresse Mickey Cohen, le célèbre gangster juif s’étant donné comme objectif la possession de Los Angeles contre le gré de ses mentors de Chicago. Pour incarner le bonhomme, Fleischer fait appel à Sean Penn, énorme acteur qui ici, ne se montre que sous une forme caricaturale malhabile, en faisant des caisses, grimés d’un faciès d’avantage amusant que crédible. Bref, si du côté des forces de l’ordre, ce n’est pas folichon, du côté du méchant, ça l’est encore moins. En vue de légitimer les agissements des flics revanchards, le film tente tant bien que mal de donné au personnage de Cohen des allures de diable en personne, faisant de lui un bourreau sans cœur, ce qu’il était sans doute, mais sans la moindre touche de subtilité façon Scorsese ou De Palma.
Au côté d’un Sean Penn qui manque complètement le coche, dommage, il y avait de quoi faire, se dresse un Josh Brolin conquérant, peut-être le seul interprète à être doté d’une réelle substance, même si fondamentalement, il reflète l’absurdité de la quête. Ryan Gosling passe lui aussi à côté, au même titre qu’Emma Stone, Robert Patrick, Anthony Mackie, Michael Pena et Giovanni Ribisi. Bref, un rassemblement d’acteurs majeurs pour un vide d’air. Quel dommage. Coté scénario, Fleischer ne s’embarrasse pas non plus de subtilités, se contentant souvent de faire cracher les mitraillettes, préférant voir ses personnages se tirer dessus à la manière d’un film d’action sommaire, ce qu’est Gangster Squad, plutôt que de leurs amener un semblant de profondeur. Pour tout dire, Gangster Squad est un film d’un autre temps, à la subtilité absente d’un film d’action des années 80-90, à la sottise d’un pamphlet américaniste de ces mêmes années, à la facilité irritante d’un cinéma qui ne met rien en question mais qui illustre le destin de héros convenus.
Tout n’est cependant pas à jeter ici, le film étant finalement plutôt divertissant, ayant eu plutôt sa place en salle en période estivale du fait de son manque de substance. Tout le monde y trouvera son compte, les amateurs d’action, de gunfights, de héros de cinéma américain et j’en passe. Il suffira de ne pas creuser pour passer un moment agréable. Oui, dès que viennent à l’esprit les noms d’autres cinéastes, d’autres œuvres majeures, Gangster Squad prend malheureusement des allures de film du dimanche. Le final est d’ailleurs à l’image du reste du film, d’une facilité confondante, d’un niveau de divertissement s’arrêtant à ne pas compliquer les choses, franchement regrettable lorsque l’on traite pour le cinéma de l’un des plus charismatiques gangsters de l’histoire américaine. Pour sûr, l’on reverra Mickey Cohen au cinéma, sous un meilleur jour. En attendant, passons notre temps au coté de Ruben Fleischer, lui pardonnant ses fautes en sachant que dans des registres plus léger, celui-ci peut être excellent. 08/20