«On me sort de taule, on me refout en taule, ça dérange pas. Je suis un type sans importance. »
Alain Godard, c’est principalement des collaborations avec Pierre Richard, Edouard Molinaro et, surtout, Jean-Jacques Annaud qui signe ici son deuxième long métrage après un La Victoire en Chantant (1976) au destin étrange (boudé à sa sortie, oscarisé, reboudé à sa ressortie). Francis Veber, lui, est déjà une star, auréolé des succès du Grand Blond avec une Chaussure Noire (Yves Robert, 1972), de L’Emmerdeur (Edouard Molinaro, 1973), de Peur sur la Ville (Henri Verneuil, 1975), du Jouet (lui-même, 1976) et, en 1978 aussi, de la Cage aux Folles (Molinaro). A ces trois auteurs s’ajoute une distribution où Patrick Dewaere éclabousse de son talent, lancé trois ans plus tôt par Bertrand Blier (Les Valseuses, 1974) et accumulant les succès depuis, avec aussi France Dougnac, éphémère actrice, Jean Bouise, Paul Le Person, Michel Aumont, Robert Dalban, Catherine Samie (hélas comme figurante), Bernard-Pierre Donnadieu, Dora Doll, Hubert Deschamps, Maurice Barrier, Corrine Marchand, Mario David, éternels seconds rôles très en vue dans ces années.
Patrick Dewaere incarne ici le 5ème François Perrin de Francis Veber au cinéma, 6ème si on compte le Pignon de L’Emmerdeur (Jacques Brel, Molinaro), après Pierre Richard dans 4 films. Comme ses prédécesseurs, Perrin n’a pas beaucoup de chance et, malgré ses talents, rate tout ce qu’il peut. Si les Perrin/Pignon ont connu et connaîtront d’illustres interprètes, force est de constater que Patrick Dewaere les écrase tous et de loin. D’une petite comédie populaire qui pourrait flirter avec le nanar, le trio Veber, Annaud, Dewaere fait un grand film drôle et intelligent, un classique d’humour noir, truffé de répliques d’un cynisme rare, même si on regrettera la légèreté avec laquelle la problématique du viol est vécue par le personnage principal, plus préoccupé par ce qu’il ressent que par ce que la victime a réellement vécu. Sans doute le propos serait-il envisagé par les auteurs différemment aujourd’hui.
Coup de Tête pourrait passer pour une comédie légère c’est surtout une sévère diatribe contre le pouvoir du fric et du foot, contre l’arbitraire, l’un des scénarios les plus profonds de Veber depuis son Jouet. La scène du banquet est digne de celle, signée par Audiard, du parlement dans Le Président (Henri Verneuil, 1961) mais aussi de celle d’Oleg le gorille dans The Square (Ruben Östlund, 2017). Par moment, on touche presque au dérisoire de La Plaisanterie, le roman de Kundera.
Ce Coup de Tête, hélas un peu oublié, est un chef d’oeuvre.