Second Life est un monde virtuel entièrement imaginé par ses habitants. Le joueur doit donner vie à son avatar : concevoir son aspect, lui construire un environnement, entrer en contact avec d’autres utilisateurs. Il n’y a pas d’objectif à atteindre, aucun sens, pas de mission à accomplir. Très vite, chacun se retrouve nécessairement confronté à la question existentielle : "que faire de sa vie ?" Second Life est un réseau social online, une plateforme d’échanges politiques et économiques, un univers de fantasmes.
Alain Della Negra et Kaori Kinoshita, les réalisateurs de The Cat, the Reverend and the Slave expliquent l’origine de ce documentaire particulier : "Nous voulions faire un film sur le rapport qu’entretient le joueur avec son avatar. Nous avions l’idée d’un film d’anticipation. Nos vies futures se joueront peut-être sur des mondes du type de "Second Life", sur des plateformes de jeux vidéo. Déjà, aujourd’hui, nous avons tous des identités online, un avatar, un pseudo, un compte sur un réseau social..."
En 2005, Alain Della Negra et Kaori Kinoshita avaient déjà abordé les relations entre les joueurs et leur avatar dans un court métrage titré Neighborhood, dans lequel des adeptes du jeu de simulation Les Sims racontent la vie de leur personnage virtuel face caméra.
Alain Della Negra explique qu'il a choisi le jeu en ligne "Second Life" pour son film car il faut réellement faire vivre une vie à son avatar, mais, contrairement au jeu vidéo, il n’y a pas d’objectif à atteindre : "On se retrouve assez vite face à la question "à quoi sert de vivre ?" qui mène naturellement à la fiction. Aujourd’hui les héros se multiplient, notamment par le biais du virtuel. Ce sont ceux que nous voulions rencontrer".
Dans The Cat, the Reverend and the Slave, les joueurs de Second Life parlent sans distinction de leur vie et de celle de leur avatar. Pour eux, "seconde vie" ne signifie pas "vie simulée", mais "vie prolongée", déployée comme un moyen de communication et de partage d’expériences supplémentaires. Les réalisateurs du documentaire se sont alors demandés : "Comment ces deux vies se mélangent (l’argent, l’amour, le social) ? Les personnages que l’on filme, sont en effet de parfaits exemples avec des histoires tristes, comme des histoires heureuses. La façon dont un joueur récurrent raconte la vie de son avatar peut être très émouvante, et demande un réel effort d’imagination à celui qui l’écoute".
"D'avantage que le sensationnel, c’est le quotidien des simples résidents qui" est passionnant pour le réalisateur Alain Della Negra. "Dans notre film, nous voulons montrer comment un événement, ayant pris place sur le réseau, peut avoir des conséquences dans la vie réelle. (...) C’est au spectateur de jouer entre ce qu’il voit - des personnages dans la vie réelle - et ce qu’il entend - des personnages qui parlent de leur vie virtuelle".
Avant de se lancer dans la production du documentaire, les deux réalisateurs ont passé une année et demie dans Second Life et ont finalement obtenu une liste de contacts assez longue.
Trois personnes étaient constamment sur le tournage : l’une au son, l’autre à la caméra, la dernière au volant. L'équipe a sillonné les États-Unis pendant trois mois en filmant 2h par jour - la taille du disque dur de la caméra. Avec une trentaine de joueurs rencontrés, sans jamais retourner au même endroit, le tournage de The Cat, the Reverend and the Slave s'est transformé en une sorte de road-movie par Internet.
Avec trop de personnages et trop de conversations incompréhensibles pour un non-initié, le film devenait vite épuisant et difficilement compréhensible. Alain Della Negra et Kaori Kinoshita ont choisi d'opter pour une version plus simple et plus pédagogique, présentant les personnages à tour de rôle, du matin au soir, chacun dans son quotidien. "C’est plutôt dans la vie du joueur que se mêlent les situations, à cause de l’extension que représente sa seconde vie, dont il doit aussi assurer le quotidien", précisent-ils.