....Paul se prépare soigneusement. Il quitte le lotissement plutôt bourgeois qu'il occupe dans la banlieue grenobloise (il me semble), embrasse sa femme qui dort (Valérie Dréville), prend son revolver, se rend à la banque où il occupe (occupait) un poste plutôt important (chargé des relations avec les entreprises et collectivité locales), et abat ses deux supérieurs hiérarchiques (dont Fisher, l'épatant Xavier Beauvois, bonasse et inquiétant à souhait) -ceux qui lui pourissent la vie depuis leur arrivée dans la boite, qui petit à petit l'ont acculé, l'ont privé de la plupart de ses responsabilités, l'ont conduit à la dépression. Puis, il attend l'arrivée de la police, en repassant sa vie dans sa tête -et dans les yeux des spectateurs par la même occasion.
C'est donc l'histoire d'un naufrage, le naufrage d'un homme sûr de lui, toujours tiré à quatre épingles, plutôt heureux en famille, à part les frictions inévitables avec son ado et, semble t-il, une crise avec sa femme dont ils sont sortis, mais ça n'est absolument pas clair
Paul a adoré son métier, son rapport avec ses clients, il est fier de sa réussite -il ne s'est pas trop posé de questions sur l'éthique banquaire. Il a à vendre, il vend! Il est en même temps peu enclin au compromis ou à la négociation. Quand les nouveaux venus, envoyés de Paris pour redresser la situation (on est en pleine crise des surprimes) lui reprochent son rendement insuffisant, il réagit de façon plus agressive que diplomate. Il n'accepte pas, par exemple, le tutoiement que Fisher prétend imposer à son équipe (il a raison. Ce faux copinage entre gens qui se détestent....) et le voussoie ostensiblement. D'où, l'engrenage des mauvais coups... Il ne manque pas de courage, contrairement à ses collègues; il défend l'un d'eux, qu'on a accusé injustement pour se débarasser de lui, au risque d'y laisser des plumes. Mais par ailleurs, son besoin obsessionnel de vérité peut mettre d'autres collègues dans de grandes difficultés.
Le gros reproche du film, c'est qu'on nous balance les flash backs en vrac, comme ils viennent dans la tête de Paul, et qu'on a du mal à retrouver ses petits (d'ou sort ce fils adoptif malien? quand ont ils été au bord du divorce?) et c'est quand même très gênant pour mieux comprendre la personnalité de Paul.
Et son gros atout, c'est ce formidable Jean Pierre Darroussin, qui sait comme personne faire vivre un personnage complexe. Jean Marc Moutout a écrit un vrai film de notre temps, qui décrit finement les horreurs de notre société. Bravo à lui!!