Woody Allen, c’est un nom qui fiat déjà toute une page de script. On peut s’attendre à du bavard et l’on ne sera pas déçu. Une histoire si bien pensée aux yeux de la majorité qu’on a tenté de lui faire courir le Pulitzer.
Avec Allen, il y a toujours un capharnaüm volontaire où il ne se fait acteur que pour se déprécier et n’ouvre les portes que pour reproduire un théâtre en extérieur. Une obsession si vivace qu’il a ni plus ni moins tourné dans l’appartement de Mia Farrow. Pendant qu’elle et ses enfants y vivaient.
À ce jour, ce film est à la fois le premier où je vois Carrie Fisher en-dehors de Star Wars, et le premier Allen qui ne me fait pas (plus) détester son plateau de tournage figé à travers les décennies et les rues de New York. Il peaufine son talent de formation des personnages, ces acteurs déconstruits puis reconstruits sur place comme s’ils avaient seulement changé de dimension pour se jouer eux-mêmes (sauf Michael Caine qui hérite de la moumoute et ne peut s’empêcher de rapprocher sa personnalité de celle de son réalisateur et ami).
Il constitue une histoire qui n’a pas l’air de flotter sur les vagues d’un naturel forcé, mais plutôt sur un support moelleux qui justifie la prégnance des petits soucis, autre manie parfois gênante du régisseur. Les évènements ne sauraient survenir autrement que dans l’emboîtement des personnalités. Il nous fait oublier où l’on est, ce que j’ai du mal à concilier avec le fait que, au-delà de ma critique et très subjectivement, je n’ai pas aimé l’histoire. Qu’un film me mette dans le doute est déjà une réussite.
Dans l’humour, il reste fidèle à lui-même, ce qui est particulièrement énervant là aussi car je n’ai jamais aimé cette affection pince-sans-rire et diluée qu’on doit saisir au vol. Pourtant, moitié subtil, moitié émaillé de culture, il a sa place. Se couvrant d’un ridicule moins grossier qu’à l’accoutumée, il s’autorise à se laisser paraître pour intellectuel en moquant la religion par sa bêtise à lui, sans qu’on perdît de vue l’argument.
Le micro-rythme des dialogues, celui qui gère les changements d’humeur et d’avis, évolue en direct et va et vient, un risque rentable témoignant du souci d’Allen pour le détail innocent ou grotesque qui va tout signifier. L’avis négatif est en fait beaucoup subjectif : je reprocherais les choix musicaux, l’abondance de dialogues, les petits problèmes qui prennent la tête du spectateur, la prégnance d’un familial hypocrite, la platitude des transitions visuelles (bâtiments et dinde de Thanksgiving ont le point commun de lasser vite) et la sempiternelle récurrence d’Allen dans son petit monde. Les bribes d’objectif là-dedans justifieront que je ne ferai pas d’éloge pulitzerien à Hannah et ses sœurs.
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