Route Irish se passe en Irak, pendant l'occupation du pays par les forces occidentales et les compagnies privées qui y sont liées. Le titre du film fait d'ailleurs référence à la route la plus dangereuse de Bagdad, donc la plus dangereuse du monde, allant de l'aéroport de Bagdad jusqu'à la zone internationale.
Route Irish signe le retour de Ken Loach au film politique après le plus léger Looking for Eric dans lequel la satire sociale, toujours présente, était ménagée par une folie douce et joyeuse liée au personnage d'Eric Cantona.
L'histoire racontée par le film est tiré d'une histoire vraie, celle de Robert, ex-parachutiste, victime d'une embuscade en Irak. Paul Laverty nous raconte que ce soldat fut ramené à sa soeur à Glasgow par avion, via le Koweit, dans un cercueil en bois qui "ressemblait à un énorme cageot". Aucune cérémonie officielle pour ce soldat membre d'une compagnie de guerre privée.
Paul Laverty, le scénariste du film, nous fait part des conclusions de ses recherches pour le film: "Le métier de la guerre est en train d'être lentement et délibérément privatisé sous nos yeux. (...) Patrick Cockburn, spécialiste reconnu de l'Irak, a estimé qu'il y avait, au plus fort de l'occupation, environ 160.000 agents privés étrangers dans le pays. Beaucoup d'entre eux, jusqu'à 50.000 peut-être, étaient des gardes de sécurité lourdement armés. Sans leur appui, la conduite de la guerre et l'occupation qui s'en est suivie auraient été impossibles."
Paul Laverty nous explique que grâce au chef de l'Autorité provisoire de la Coalition, entre 2003 et 2009, un décret appelé "ordonnance 17" a apporté l'immunité vis-à-vis de la loi irakienne à tous les agents officiant dans le pays, autorisant bien sûr de nombreux abus, comme le massacre de 17 civils par la compagnie Blackwater: "Un responsable d'une société de sécurité m'a confié, sous couvert d'anonymat, qu'il avait parlé à un Sud-Africain, lequel lui avait déclaré que tuer un Irakien, c'était exactement comme "descendre un négro". D'autres agents de sécurité dignes de foi, fiers d'être de vrais professionnels, m'ont fait part de leur dégoût devant la violence de ceux qu'ils appellent "les cow-boys". Chaque fois qu'un agent a été mêlé à un incident qui a mal tourné, sa société l'a aussitôt exfiltré du pays. Impunité sur ordonnance !"
Ayant enquêté sur les sociétés de sécurité présente en Irak, Paul Laverty a une idée précise de combien elles ont pu rapporter à leurs dirigeants: "Monsieur David Lesar, PDG de Halliburton (son prédécesseur étant Dick Cheney), a gagné un peu moins de 43 millions de dollars en 2004. Monsieur Gene Ray de la société Titan a gagné plus de 47 millions entre 2004 et 2005. Et monsieur J.P. London, de la société CACI, 22 millions. Le diable se cache toujours dans les détails. Les sous-traitants de l'armée américaine lui ont facturé jusqu'à 100 dollars pour le blanchissage de chaque sac de linge sale de ses troupes. Dans un rapport officiel daté de janvier 2005, Stuart Bowen, Inspecteur Spécial Général pour la reconstruction de l'Irak, a révélé que plus de 9 milliards de dollars avaient disparu pour cause de fraude et de corruption. Et ce durant la période très limitée de l'Autorité provisoire. Impunité financière, par-dessus le marché !"
Ca n'est pas la première fois que le très politique réalisateur Ken Loach s'intéresse à des crises sociales éloignées de Grande-Bretagne. Ainsi, il a revisité la Guerre d'Espagne dans Land and Freedom, les violences civiles du Nicaragua dans Carla's song, la lutte des travailleurs immigrés à Los Angeles dans Bread and Roses ou l'immigration des filles de l'Est dans It's a Free World....
Produit grâce à un important apport de producteurs français (Why Not Productions et Wild Bunch), Route Irish a été tourné en Jordanie. Le film a d'ailleurs reçu de l'aide de la Commission Royale Jordanienne du Film. De plus, de nombreux irakiens réfugiés dans le pays ont participé au film comme figurants.
Le directeur de la photographie du film, Chris Menges, a aussi réalisé trois films : le beau Un Monde a part sur l'Apartheid en Afrique du Sud, Second best avec William Hurt et The Lost Son, avec le Français Daniel Auteuil.
Route Irish est le onzième scénario que Paul Laverty écrit pour Ken Loach depuis leur premier film ensemble, Carla's song, en 1996. Parmi leurs collaborations importantes, citons My Name is Joe (1998), Sweet Sixteen (2000) Le Vent se lève (Palme d'or au Festival de Cannes 2006), et dernièrement, le plus léger Looking for Eric (2009).
Ken Loach s'entoure dans ce film de plusieurs de ses collaborateurs habituels. Outre le scénariste Paul Laverty, le réalisateur travaille ici avec la productrice Rebecca O'Brien qui a produit de nombreux films du réalisateurs depuis Hidden Agenda comme Land and Freedom ou It's a Free World, le compositeur George Fenton, responsable notamment de la musique du Vent se lève ou le monteur Jonathan Morris qui s'était déjà occupé de Bread and Roses ou Sweet Sixteen entre autres
Route Irish est le premier film de cinéma des acteurs Mark Womack, Andrea Lowe et Trevor Williams qui jouent respectivement Fergus, Rachel et Nelson. Les deux acteurs étaient toutefois tous deux apparus plusieurs fois à la télévision, dans des téléfilms et des séries.
Route Irish a concouru en sélection officielle au Festival de Cannes 2010. Il n'a été annoncé officiellement dans la sélection que deux jours avant le début du Festival. C'était la dixième fois que Ken Loach présentait un film à Cannes, où il avait présenté pour la première fois un film en compétition en 1990 avec Hidden Agenda (il reçu d'ailleurs le Prix du Jury) et où il reçu la Palme d'Or pour Le Vent se lève en 2006. Sa dernière incursion au festival ne datait que d'un an plus tôt, quand il présentait Looking for Eric.