A la suite d'une remise de prix pour Mysterious Skin, Gregg Araki s'entretient avec celui qui vient de le lui remettre, John Waters. Ce dernier l'interroge sur le changement artistique sensible dans ses deux dernières réalisations (avec Smiley Face), où l'auteur se démarque de celles qui l'avaient imposé et dont il avait écrit les scénarios (The Doom Generation et Nowhere notamment). Coïncidence amusante, il est alors en pleine écriture de Kaboom, qu'il envisage aussi "débridé et fou" que ses premiers, en sachant d'autant plus que, de ce fait, il répond à l'attente de nombreux fans pour qui ces deux films-là restent également les figures de proue du réalisateur.
Conscient des risques que peut comporter l'instauration d'un modèle de réalisation trop répétitif, ou régressif, Gregg Araki a une véritable hantise de s'inscrire dans une case définie et ne plus pouvoir en sortir. C'est ainsi qu'il est en recherche constante de nouveauté artistique, moteur premier à sa réalisation, même s'il reconnaît lui-même "ne pas avoir fondamentalement changé depuis ses premiers films". Pour ce film, "le point de départ était empreint d’une sorte de nostalgie. Celle de l’inconscience de la jeunesse et de l’inconnu, de l'incertitude totale."
Même s'il reconnaît ne pas s'en être vraiment rendu compte sur le moment, les années d'étudiant où la vie ressemble à un grand point d'interrogation et où les expériences se multiplient, restent dans l'esprit du réalisateur comme une période unique. C'est à ce moment que sa sensibilité artistique s'est formée en partie. Dans le cas d'Araki, la référence à Lynch est évidente. "J’avais toujours voulu faire un film énigmatique et mystérieux inspiré par Twin Peaks de David Lynch. J’étais un jeune étudiant quand cette série a secoué la télé américaine et elle m’a réellement bouleversé, influençant non seulement mon travail, mais aussi toute ma vie."
Parmi ce qui a le plus marqué le réalisateur à la vision de la fameuse série lynchienne, il y a incontestablement un goût partagé pour la culture "post-punk et la musique alternative, quelque chose de très « punk » dans Twin Peaks et dans la remise en cause de l’idéal « mainstream »." C'est le sentiment de liberté artistique qu'il recherche, et que David Lynch avait "théorisé" en exprimant une "oeuvre profondément originale, radicale, [qui] ne se souciait pas des conventions ni même de la compréhension (...) ,[et qui] avait une pureté audacieuse, intrigante, nouvelle et inspiratrice." En dehors des cadres, "Kaboom veut juste exister et vibrer à son propre rythme", conclut-il.
Gregg Araki fait référence à Luis Buñuel dans son film, à travers les images d’Un Chien andalou, et notamment celle célèbre de l’œil tranché au rasoir. Comme pour annoncer aux spectateurs qu'il serait bon de voir ce qui va suivre d'"un autre œil que de coutume"...
Bien qu'il n'ait pas écrit le scénario de ses deux précédents films, au contraire de ses quatre premières réalisations, Gregg Araki revendique clairement être attaché de la même façon à tous ses longs-métrages. Un rapport qu'il entretient d'ailleurs de façon très personnelle : "Mes films sont comme mes enfants, et ces deux-là ne sont pas moins les miens que les autres."
L'actrice Rooney Mara, attendue dans les prochains The Social Network de David Fincher et dans la nouvelle adaptation de Millenium, The Girl With The Dragon Tattoo, était initialement prévue au casting avant de devoir annuler pour des raisons de planning.
Icône de la trilogie "slasher-métaphysico-apocalyptiquo-lynchienne" qui avait révélé Gregg Araki, James Duval, qui incarnait également le fameux lapin de Donnie Darko, retrouve ici son réalisateur fétiche dans le rôle d'un gourou qui prédit la fin du monde.
Habitué des sélections aux Festivals depuis ses premiers films, le réalisateur ne déroge pas à la règle avec Kaboom et renoue notamment avec Cannes pour une deuxième participation après Smiley Face, dans la sélection officielle cette fois. Il participe également au festival du film américain de Deauville. Gregg Araki remporte d'ailleurs à Cannes la première Queer Palm décernée par le festival.