A la base du projet, Claude Miller s'est directement inspiré d'un roman, La petite fille de Menno, écrite par Roy Parvin. Dans ce récit, une femme de quarante ans entame un voyage en Amérique sur les traces de son ex-mari décédé. Miller s'est surtout intéressé à la rencontre entre deux femmes qui ont été éprises d'un même homme. Une des questions que tout individu se pose lorsque son conjoint le quitte pour quelqu'un d'autre est de savoir qui est cet autre. Plus que la question de savoir pour quelle raison on a été délaissé.
Dans un souci de résonance avec l'atmosphère du livre, Claude Miller a cherché à reproduire l'idée d'un univers aéré et sensationnel mais soumis à un profond conflit intime. L'intrigue a été transportée en France, transformant les personnages littéraires d'intellectuels new-yorkais en des bobos parisiens. Miller a tenu aussi à modifier le personnage principal de Vic pour mieux le franciser. Dans le livre, il apparaît sous les traits d'un aventurier alcoolique au tempérament typiquement américain.
Claude Miller s'est laissé influencer par un autre roman, Trois femmes puissantes, écrit par Marie Ndiaye. Dans cet ouvrage, trois héroïnes africaines font face à une tyrannie masculine permanente, aux humiliations et à la pauvreté. Elles s'arment de courage et de persévérance. Ce sont ces fortes qualités que le cinéaste a voulu mettre en avant au travers des personnages de Voyez comme ils dansent : "Je pense que les femmes ont une attitude plus positive avec la vie que les hommes. Elles se trompent moins, vont plus à l’essentiel. Les hommes sont davantage dans la parade, les apparences, le pouvoir, la vanité. Surtout dans le domaine affectif. J’ai cette conviction, vraie ou fausse, que les hommes s’en sortent moins bien que les femmes."
Souhaitant pointer les distinctions entre les deux héroïnes féminines dans Voyez comme ils dansent, Claude Miller a attaché une grande importance à la façon dont chacune d'elle a aimé le même homme : "Je pense que personne n’aime de la même façon, même s’il s’agit du même objet d’amour". De ce fait, l'une des deux liaisons est nettement plus chargée en "alcool amoureux" tandis que l'autre est de l'ordre du coup de foudre passionnel.
Durant l'écriture du scénario d'adaptation, Claude Miller a tenu à désamorcer toute possibilité de jalousie entre les deux personnages féminins qui ont partagé l'existence d'un même homme. Certes, s'il subsiste une "méfiance réciproque", c'est surtout la curiosité et la fascination qui l'emportent sur le reste. "Savoir qui est cet autre, sans doute que ça permet d’en apprendre plus sur soi-même", explique-t-il.
Le titre du film est, selon Claude Miller, à comprendre dans un sens dérisoire, "Voyez comme ils s'agitent", en allusion aux personnages. Cette idée d'agitation évoque au cinéaste des marionnettes qui se débattent inutilement. D'ailleurs, Miller affirme avoir voulu intituler son film De la vie des marionnettes. Sauf que ce titre a déjà été utilisé par Ingmar Bergman, pour un de ses nombreux films.
C'est l'un des thèmes majeurs du film. Soucieux d'être le plus précis possible, Claude Miller s'est documenté sur l'histoire, la culture et la situation politique des populations amérindiennes. Il a ainsi vu plusieurs documentaires sur la quotidien des Amérindiens au Canada, sur leur condition sociale et sur leurs tentatives pour préserver les traditions. Le cinéaste affirme à ce propos que cela lui a permis d'en apprendre beaucoup sur leur mode de vie, loin, très loin "des représentations pittoresques : les réserves où ils vivent ressemblent aux bidonvilles qui accueillaient les émigrés il y a vingt ans en France", explique-t-il.
A l'origine, Marina Hands devait interpréter Alex. Mais Claude Miller craignait que l'actrice française ne soit pas crédible en amérindienne, malgré son physique et son bilinguisme. Il a finalement préféré attribuer ce rôle à l'italienne Maya Sansa. Le personnage de Lise est alors revenu à Hands.
Petit-fils de Charles Chaplin, James Thiérrée n'est pas seulement un acteur mais aussi un homme de scène. Il a créé plusieurs spectacles qui allient théâtre, voltige, jonglage, acrobatie, danse, musique. Claude Miller a décidé de ne pas écrire de répliques pour un comédien qui ait autant de polyvalence. Il affirme par ailleurs que si Thiérrée n'avait pas voulu tourner Voyez comme ils dansent, le projet de film aurait été annulé. A noter que l'acteur a participé à l'élaboration du spectacle que son personnage met en scène dans le film.
L'acteur Yves Jacques en est à sa sixième collaboration avec Claude Miller, après La Classe de neige (1998), La Chambre des Magiciennes (2000), Betty Fisher et autres histoires (2000), La Petite Lili (2002) et Un secret (2007). Miller dit de lui qu'il s'agit de l'équivalent canadien de Geoffrey Rush, une sorte d'Alec Guinness ou Peter Sellers moderne...
Bien qu'apparenté au drame, Voyez comme ils dansent contient son lot de séquences humoristiques. Claude Miller l'assume : "Les Anglo-saxons n’ont pas peur de ces incursions du comique alors que les Français sont plus dans la tragédie OU la comédie, Molière OU Racine. Je peux admirer l’unité de ton mais je pense être beaucoup plus près de ce que je considère être la réalité de la vie humaine dans ce mélange des genres". Le cinéaste explique que ce chevauchement répond à "la force de la vie même". Il rappelle que dans une même journée, quelqu'un passe par différentes émotions, différents genres, naviguant entre euphorie et tristesse, tendresse et colère. C'est une dynamique à laquelle répondent ses deux cinéastes préférés, Jean Renoir et Woody Allen.
Dans le cinéma de Claude Miller, les rapports entre les parents et leur progéniture s'avèrent toujours des plus torturés. Dans Voyez comme ils dansent, ils se basent sur une rivalité sourde et frustrante. On peut aussi citer Un secret (2007) dans lequel un enfant solitaire apprend la douloureuse vérité sur le passé de ses parents. Quant à Je suis heureux que ma mère soit vivante (2008), le titre du film annonce déjà le programme : abandonné à l'âge de 4 ans, un jeune homme cherche désespérément sa mère biologique.
Tout comme dans La Classe de neige où des massifs montagneux écrasaient les personnages, tout comme dans Un secret où la campagne domine les protagonistes, la nature prend le dessus sur les individus dans Voyez comme ils dansent. Pour Claude Miller, qui en fait ainsi un motif à part entière, il s'agit de "montrer les petites ou grandes manigances des êtres humains dans une nature qui n’en fait qu’à sa tête. Cela ne déprécie pas les sentiments des êtres humains, au contraire. Les voir se débattre sur cette terre qui s’en fout les rend encore plus émouvants et pathétiques".
Filmer dans des grands espaces a été pour le cinéaste de Voyez comme ils dansent une réelle découverte, lui qui reste un adepte du gros plan. Claude Miller explique s'être appuyé sur la disposition spatiale entreprise par John Ford sur son film Vers sa destinée ainsi que sur le cinéma de Kenji Mizoguchi où "c’est la nature qui est en gros plan, pas les personnages".
Pour certains éléments du montage de Voyez comme ils dansent, Claude Miller s'est calqué sur le travail effectué par Marc Donskoi sur Le cheval qui pleure. Dans ce film soviétique, réalisé à l'époque de Staline, le passé et le présent se raccordent à plusieurs reprises, le premier rebondissant brutalement dans le second. Il s'agit, pour Miller, de passer par cette forme d'irréalisme pour mieux créer des associations inter-temporelles. La démarche de Jean-Luc Godard sur Sauve qui peut (la vie) (1979) et celle d'Alain Resnais pour Les Herbes folles (2008), dans lesquels les raccords affectifs sont privilégiés aux raccords chronologiques, ont aussi servi de références pour le cinéaste.
La musique du film est signée Vincent Segal, qui avait déjà composé celle de Je suis heureux que ma mère soit vivante (2008). Dans Voyez comme ils dansent, à l'univers mental de chaque personnage correspond une musique spécifique. Claude Miller estime que la musique "nous définit, berce nos vie, nous console, nous excite". Elle agit donc comme un reflet de l'âme.
Voyez comme ils dansent a été tourné au Canada avec une équipe technique québécoise.