A priori, "minuit dans le jardin du bien et du mal" n'est pas un Eastwood habituel : une enquête sur un meutre commis par un riche aristo, sur fond d'homosexualité, le tout entouré de personnages tous plus bizarres les uns que les autres. Au fur et à mesure que le film avance, les liens se font et l'attention se fait de plus en plus grande. Kevin Spacey interprète brillamment cet homme mystérieux dont personne ne comprend les motivations. Rien que pour ça le film est un plaisir. On suit l'enquête, le procès, essayant de le comprendre. Il y a aussi beaucoup de légèreté avec les personnages secondaires farfelus. Pour éviter de perdre le spectateur, on évolue à travers les yeux du journaliste interprété par John Cusak, perdu au milieu de tous ces êtres étranges de la ville de Savanah.
Selon moi, Eastwood renouvelle ici sa recherche de l'identité américaine, en essayant comme souvent de remonter aux origines d'une culture (le cimetière vaudou, le dialogue entre morts et vivants, le passé qui revient hanter les individus). Il confronte ce passé à la modernité (droit des homos, travestis, ...) avec pas mal d'humour.
Surtout, cet humour lui permet de mieux montrer le malheur d'une société qui vit caché derrière ses apparences, en faisant semblant que tout va bien. La fête de noël en est le meilleur exemple, et la réplique célèbre de Spacey "la vérité, comme l'art, réside dans le regard du spectateur. Croyez ce que vous voulez, moi je crois ce que je sais."
Avec le recul je repense quelque peu aussi au Liberty Valence de John Ford qui serait relu par Eastwood, avec la confrontation entre la loi et l'ordre, de la légende et de l'histoire entre la vision idéaliste (John Cusak essayant de marcher sur les traces de James Stewart - inutile de dire qu'il n'arrive pas à sa cheville) et la vision réaliste (Kevin Spacey serait le bandit de l'histoire).
L'intrigue de base n'est pas toujours passionante (le coup de théâtre dans le procès, par exemple, me semble un petit peu médiocre), mais Eastwood a créé tout un univers autour, et finalement avec le recul je suis encore à Savanah quelques jours après la vision du film !