La parole à la réalisatrice Dima El-Horr : "trois femmes figées dans un contexte social et politique très tendu, où rien ne bouge, de peur d'une catastrophe imminente. Les différents événements ne révèlent que la rigidité de la situation, les empêchant de réagir, d'évoluer, de se développer. A l'instar des héroïnes de ce film, les libanais n'ont pas les moyens de changer, mais nous savons nous amuser dans un monde où notre vie ne pèse pas lourd. Nous vivons aujourd'hui dans une région dévastée par des guerres perpetuellement renouvelées, incapables de jouer un rôle efficace dans une vie politique défaillante. Nous ne pouvons que faire appel à notre imaginaire comme alternative à un paysage en noir & blanc. Pour nous, le cinéma est une petite lucarne à travers laquelle nous exposons certaine de nos pensées, de nos obessions et de nos craintes. Ces femmes ne sont ni optimistes ni pessimistes, elles attendent simplement un miracle, comme nous...Mais les miracles existent-ils vraiment ?"
"L'histoire de la guerre civile au Liban n'est pas réglée. Car il n'y a jamais eu de réel dialogue entre les différentes factions. Il n'y a jamais eu d'explication claire sur ce qui s'est vraiment passé pendant cette guerre, pourquoi elle a commencé, pourquoi elle s'est terminée... Contrairement à d'autres pays, il n'y a pas eu de commission "vérité et réconciliation" explique Dima El-Horr. De 1975 à 1990, le Liban fut en proie à une terrible guerre civile, qui aurait fait environ 150.000 morts, 17000 disparus et des centaines de millier d'exilés et de déplacés. Depuis l'accord intercommunautaire de Taef (Arabie Saoudite) en 1990 qui mis fin à la guerre, le pays est régulièrement victime d'instabilités politiques et sociales chroniques, largement entretenues par les assassinats ciblés d'opposants et leaders politiques comme celui du premier ministre Rafik Hariri le 14 février 2005 à Beyrouth. En 2006 éclata un conflit israélo-libanais, dans lequel Tsahal (armée israélienne), les combattants du Hezbollah et dans une certaine mesure l'armée libanaise s'affrontèrent. Le bilan officiel fait état d'environ 1400 morts civils, et 4409 blessés civils. Les pertes militaires sont beaucoup plus difficiles à évaluer; chacune des forces en présence minimisant ses pertes. Néanmoins, on estime à au moins 230 le nombre de militaires tués, toutes factions confondues.
Chaque jour est une fête est avant tout ancré dans un univers très féminin. Mais Dima El-Horr se défend d'avoir voulu faire un film féministe. Elle explique la nuance : "ce film est proche de ma réalité quotidienne. Mes personnages ont été inspirés par des femmes de mon entourage. Mais ce n'est pas un film féministe. Je ne suis pas le porte-parole de la femme libanaise et je n'essaye surtout pas de victimiser mes personnages en assénant une morale ou un message militant. J'observe, je raconte, je montre... Libre à chacun de juger.Ces trois femmes sont des individus à part entière, chacune étant marquée à sa manière par l'Histoire du pays, les guerres vécues et une société libanaise à dominante masculine". Et d'ajouter : "Depuis l'Odyssée, c'est l'homme qui part faire la guerre et meurt... Et les femmes sont condamnées àvivre avec leurs fantômes. Les morts ressurgissent, réapparaissent à travers leurs rêves et leurs cauchemars et trouvent toujours une manière d'exister en elles".
Incarnant "la femme qui veut divorcer", Manal Khader fut révélée en 2002 dans Intervention divine du cinéaste palestinien Elia Suleiman. Le film reçut le Grand Prix du Jury et le Prix de la Critique internationale (Fipresci)à Cannes en 2002.
Dima El-Horr a co-écrit le scénario du film avec Rabih Mroué, un metteur en scène de théâtre libanais très réputé. Ses mises en scène se situent entre la fiction et la réalité, incorporant des éléments informatifs, notamment sur le contexte politique et social du Liban. Dima El-Horr explique ce choix : "C'est notre troisième collaboration avec Rabih. Pour nous, écrire ce film –qui est mon premier long métrage- voulait dire ne pas tricher. L'authenticité de notre propos prend ses racines dans la réalité du quotidien d'un Liban à la conjoncture sociopolitique aliénante. Notre vécu, le mien en particulier, s'est imposé comme une nécessité, pour pouvoir réussir à parler de celui des autres. Il a donc fallu se confronter à notre propre réalité. Cette expérience profonde d'introspection m'a permis d'affronter mes obsessions dues aux années de guerres et de prendre conscience de la violence de leurs impacts sur moi et sur toute une population. J'ai donc voulu parler essentiellement de choses très profondément enfouies en moi et qui me constituent".