La suite d’un film mythique, quinze ans après, ça fait toujours un peu peur. Parce que oui, vous avez bien lu, pour moi « Zoolander », premier du nom, est un film mythique. Ce n’était pas forcément un chef d’œuvre me concernant, mais il avait une personnalité vraiment atypique et il avait surtout pour principal attrait à mes yeux d’incarner une forme d’humour, mi-potache mi-absurde, que j’apprécie tout particulièrement. Ainsi s’est donc posée la grande question : Ben Stiller est-il revenu sur l’un de ses projets les plus marquants parce qu’il avait de quoi apporter une plus-value réel à cet univers déjanté, ou bien y est-il tout simplement revenu parce qu’il n’avait plus aucune idée en tête et qu’il fallait bien payer les traites de sa luxueuse villa au bord de la mer ? Eh bien j’avoue que, me concernant, j’ai quand même eu un petit peu peur au départ. La scène d’action qui fait office d’intro n’est pas un trésor d’inventivité (c’est même assez indigeste) et les quelques gags qui sont là pour ressusciter l’esprit « Zoolander » sont assez lourds et plutôt basiques (Oui, je sais, ça peut paraître paradoxal qu’on se plaigne de lourdeur quand il s’agit de ressusciter l’esprit « Zoolander » mais bon…). Malgré tout, le schéma se met vite en place ; les références au premier opus sont vite faites, si bien que le « fan » de la première heure peut se satisfaire d’avoir sa soupe. Seulement voilà, si « Zoolander 2 » ne s’était limité qu’à cette seule amorce assez expéditive et trop ancrée dans la redite, alors j’aurais sûrement affublé ce film d’un simple « passable », voire clairement d’un « dispensable. » Mais non : Stiller reste Stiller. On peut ne pas aimer ce qu’il fait, mais au moins a-t-il une exigence qu’on ne peut pas lui renier (du moins en tant que réalisateur). Or, très vite, l’édifice révèle toutes ses forces. L’air de rien, « Zoolander 2 » en a sous le coude et parvient assez rapidement à se reconstituer un univers très riche, où le comique peut tout aussi bien se cacher dans l’absurdité du propos que dans un détail visuel en second ou en arrière plan. Pour le coup, je trouve que l’ami Ben est parvenu à trouver un excellent équilibre entre « fan service » d’un côté (
la gestuelle « défi défilé », le retour du « frappuccino », le retour du « relax », les références cachées comme la cravate piano tatouée sur le torse bodybuildé de Mugatu, la réutilisation progressive du casting du précédent opus…
) d’un autre côté la réutilisation et réactualisation des mécaniques de l’ancien épisode (
le pullulement de guests dans des rôles improbables ; une intrigue ridiculement drôle dans sa logique de désacralisation ; la reconstitution d’un trio Derek/Hansel/jolie bimbo
), et enfin des apports nouveaux en terme d’univers, de trips visuels, de cohérence dans ce nouveau délire… Non, franchement, j’ai mis une bonne demi-heure à me débarrasser progressivement de mes dernières craintes – celles de n’assister qu’à une simple redite sans véritable créativité – mais après ça n’a été que du plaisir crescendo. Et pour le coup, le dernier quart de film atteint clairement le sommet de son ambition. A partir de là ça devient suffisamment absurde, dynamique et créatif à la fois pour susciter ce qu’un fan du premier opus était en droit d’attendre (
quand même : entre Sting, la prophétie de Steve ou bien encore l’épisode dans la prison de la mode avec le retour dantesque de Mugatu, je trouve que ce final est quand même dantesque
). Et il faut qu’en plus, toute cette farce se finisse sur les chapeaux de roue, avec du rythme, du savoir-faire, de l’absurdité à la pelle. Le générique de fin déboule d’ailleurs dans la foulée, tel un carnaval, entretenant cette dynamique échevelée et cet esprit déluré jusqu’au bout. Ah ça ! Il n’y a pas à dire : ça envoie ! Alors après, j'ai parfaitement conscience qu'un spectacle comme celui-là présente comme gros inconvénient de laisser totalement sur la touche tous ceux qui n'ont pas vu et pas aimé le précédent volet (la moitié des vannes leur échapperait, assurément), mais bon... Au bon d'un moment il faut aussi savoir être égoïste. Moi j'aime « Zoolander 1 » ; j'aime cet humour ; j'aime Stiller. Je voulais retrouver tout ça, mais sans que ça se limite qu'à une simple répétition plus fade. Au final je l'ai eu. Donc merci Stiller. Vive Stiller ! Vive « Zoolander 2 » !