Le film a été projeté pour la première fois en compétition au Festival de Cannes, le 12 mai 2011. La plupart des critiques s'attendaient d'ailleurs à ce que Tilda Swinton reçoive le prix d'interprétation féminine.
La productrice Jennifer Fox retrouve Tilda Swinton : les deux femmes avaient déjà travaillé ensemble sur Michael Clayton en 2007. Cette dernière avait également déjà côtoyé Judy Becker, chef décoratrice, sur Age Difficile Obscur en 2005, et Seamus McGarvey, directeur de la photographie, sur The War zone en 1999. Ce film marque également les retrouvailles de Lynne Ramsay avec le public : en effet, cela faisait pas loin de neuf ans que la réalisatrice n'avait pas sorti de long-métrage.
Le tournage s'est déroulé en trente jours seulement, dans une ville des Etats-Unis (Stamford, Connecticut). Le scénario comptant 86 pages, le rythme était soutenu : 25 scènes chaque jour, pour un maximum de trois prises chacune.
We Need to Talk About Kevin s'inscrit dans un contexte de forte connexion entre les milieux cinématographique et littéraire. En effet, les sorties et projets d'adaptations se sont multipliés en 2011 : Un jour de Lone Scherfig (d'après David Nicholls), Un heureux événement de Rémi Bezançon (d'après Eliette Abecassis), Bel Ami de Declan Donnellan (d'après Guy de Maupassant), What To Expect When You're Expecting de Kirk Jones (d'après Heidi Murkoff et Sharon Mazel), le doublet La Guerre des boutons (d'après Louis Pergaud), Mais comment font les femmes ? de Douglas McGrath (d'après Allison Pearson), Jane Eyre de Cary Fukunaga (d'après Charlotte Brontë), Gatsby le Magnifique de Baz Luhrmann (d'après F. Scott Fitzgerald) ou encore La Piel que Habito (d'après le roman "Mygale" de Thierry Jonquet).
Interrogée sur ses motivations à adapter ce livre, la réalisatrice Lynne Ramsay confesse : "A mon âge, la possibilité d'avoir un enfant vous traverse l'esprit. Ces questions de la responsabilité, des raisons ayant conduit à avoir un enfant sans vraiment le connaître, ça me connaît."
Le mois de septembre 2011 sera placé sous le signe de la maternité dans les salles obscures françaises. En effet, en l'espace d'une semaine, pas moins de trois films sur le sujet seront dévoilés au public : La Brindille d'Emmanuelle Millet, Un heureux événement de Rémi Bezançon et We Need To talk About Kevin. La chronologie semble être également très logique, puisque le premier d'entre eux traite de la grossesse, le second, de l'accouchement, et le dernier, de l'éducation de l'enfant. Tout un programme !
We Need To Talk About Kevin n'est pas, comme le scénario pourrait le laisser penser, un film flash-back, et c'est en cela qu'il est très original. En effet, John C. Reilly précise : "Le film commence de nos jours ; Eva se penche sur son passé, leur histoire familiale et les événements qui se sont déroulés. Le film montre ce dont elle se souvient – ce qui ne correspond pas nécessairement à ce qui s'est réellement passé – et on est dans une sorte de réalité intensifiée quand elle se remémore tout cela". Le spectateur est donc invité à s'interroger sur la réalité de ce qui lui est montré (s'agit-il de faits ou de souvenirs motivés par la culpabilité ?), mais ne recevra jamais de réponse de la part du film.
A l'instar de sa protagoniste, la chronologie du film est brisée. Selon la conceptrice de production Judy Becker, le long-métrage est divisé en trois périodes, possédant chacune une identité visuelle qui lui est propre : "les premiers temps, quand Eva a de bons souvenirs avec son bébé, puis la banlieue où les choses sont plus austères, où les relations entre Eva et Kevin commencent à se déliter, et enfin le présent, une fois qu'Eva a tout perdu."
La relation qui unit le film et son titre est tout à fait intéressante. En effet, loin d'illustrer le long-métrage aussi bien que le livre, ce dernier souligne au contraire des absences. Ainsi, s'il est central dans titre, Kevin n'est pas le personnage principal du film. C'est en effet sur Eva, son point du vue et ses émotions, que repose toute l’œuvre. De plus, ce "nous" n'a pas de réalité dans le présent de la narration, les deux époux étant désormais divorcés. Enfin, on peut également souligner la cruelle ironie du verbe "parler" pour un film qui, se composant essentiellement de souvenirs et de réflexions, s'avère plutôt pauvre en dialogue. Ainsi, paradoxalement, ce titre illustre surtout la solitude d'une femme qui a perdu son fils, son mari et ses certitudes, et résume ainsi le vrai sujet du film.
Dans ce film où les regards et les situations sont parfois plus volubiles que les mots, la musique revêt une importance particulière. Or, la bande-originale a de quoi surprendre, tant elle est composée de titres résolument optimistes et entraînants, tels "Last Christmas" de Wham!, "Ham N Egg" de Lonnie Donegan ou encore "Everyday" de Buddy Holly.