A l'âge de 96 ans, Louise Bourgeois est considérée comme l'une des plus grands artistes en activité. Grâce à un voyage extraordinaire à l'intérieur de sa propre psyché, elle produit de nouvelles formes dans tous les domaines : peinture, sculpture, imprimés, dessins, collages, installations et constructions monumentales. Elle peut tout autant créer des formes ondulatoires dans du marbre qu'utiliser une ancienne robe de sa mère dans une de ses sculptures, recycler une bouteille de parfum Shalimar ou une vieille chaise électrique. Peu d'artistes ont couru le risque que Louise Bourgeois a su saisir dans l'utilisation des matières. Mais c'est l'exorcisme qu'elle est capable de dégager en manipulant ces matériaux qu'elle recherche. Son art est une réponse aux transformations historiques et personnelles de notre temps. Son art nous montre ce qu'est un humain habitant son propre corps – un corps né des traumatismes, en proie aux pensées, à la peur, aux fantaisies, aux désirs et aux conflits biologiques, historiques et familiaux. Elle fait un art de tout. Nous sommes mal à l'aise face à son travail. Nous sommes, comme dans un rêve, impliqués dans une confrontation entre notre quotidien, notre passé et les infinies possibilités de l'art et la vie.
La co-réalisatrice Amei Wallach revient sur les débuts du projet: "Le matin du 28 mai 1993, Marion Cajori et moi-même arrivâmes dans le studio de Louise Bourgeois à Brooklyn pour notre premier jour de tournage. Marion était une réalisatrice primée qui venait de réaliser le portrait de la peintre Joan Mitchell. En tant que critique d'art, j'avais déjà écrit beaucoup d'articles sur les plus grands artistes de notre temps, notamment Louise. Mais ni Marion ni moi n'étions préparées au magnétisme qui se dégageait lors des premiers pas de Louise devant la caméra. (...) Il n'y a rien de tel que d'aller au musée ou dans une galerie. Mais la caméra a cette particularité d'instaurer une relation avec le travail même de l'artiste, tout particulièrement s'il est aussi mystérieux que celui de Louise Bourgeois. L'objectif peut naviguer à travers ses installations et sculptures. Nous avons pu filmer ses oeuvres à New York, Madrid, Milan, Venise et Londres, passant parfois des nuits entières à éclairer de façon bien précise une oeuvre pour en capturer la magie."
La co-réalisatrice Marion Cajori est décédé au cours du tournage. Réalisatrice indépendante, elle a créée la fondation " Art Kaleidoscope " en 1990 afin de produire des portraits de créateurs et de leurs travaux. Son documentaire Joan Mitchell, portrait of an abstract painter fut récompensé par le très reconnu grand prix Pratt-Whitney au festival des films d'Art de Montréal en 1993. Son ami et co-réalisatrice du film, Amei Wallach a tout de même souhaité terminer ce projet de longue date: "En août 2006, Marion Cajori est décédée d'un cancer à l'âge de 56 ans. C'était devenu mon but que de terminer ce film. Jamais je n'aurai pu mener à terme ce projet sans le talent et l'exemple de Marion, sans les talents de monteur de Ken Kobland, sans la magie de Kipjaz Savoie ou encore la sagesse de George Griffin."