Si Dracula a été adapté de nombreuses fois au cinéma, c'est la première fois qu'un film se penche précisément sur l'acheminement du vampire de sa terre natale, les Carpates, jusqu'en Angleterre. Le comte embarque à bord du Demeter, un navire sur lequel il fait charger une douzaine de caisses en bois remplies de terre noire, dont une dans laquelle il se cache. C’est dans le chapitre VII du célèbre roman de Bram Stoker que la dernière traversée du Demeter est évoquée, dans un extrait du quotidien anglais le Dailygraph datant du 8 août 1897. L’article décrit une violente tempête qui s’est soudainement levée aux abords de Whitby, une petite ville côtière anglaise, faisant s’échouer l’épave du Demeter sur lequel on retrouve le cadavre d’un seul homme, attaché à la barre. Dans une série de courtes entrées, le journal de bord raconte la traversée de 4 semaines, du 6 juillet au 4 août, durant laquelle d’étranges événements semblent avoir accablé le navire et son équipage.
Pour les producteurs Bradley J. Fischer, Mike Medavoy et Arnold W. Messer, adapter un passage précis du Dracula de Bram Stocker permet d’aborder le mythe du vampire sous un angle nouveau. Mais il leur a fallu beaucoup de patience pour mener à bien ce projet, qui a germé dans la tête du scénariste près de deux décennies plus tôt. De nombreux réalisateurs se sont succédés : David Slade, Neil Marshall, puis Guillermo del Toro, qui dut renoncer pour une question d’emploi du temps. Il suggéra aux producteurs le cinéaste norvégien André Øvredal, dont il avait produit le long-métrage d’épouvante Scary Stories. Øvredal admet avoir été intimidé par la tâche : « J’avais l’impression d’avoir à chausser des chaussures bien trop grandes pour moi. Ça voulait dire se mesurer à des chefs-d’œuvre tels que Nosferatu ou Dracula. Il fallait viser très haut. Notre intention n’a jamais été de faire un grand film épique qui ferait autorité. On voulait faire un film d’horreur fort et louable. »
En lisant le scénario, signé Bragi Schut et Zak Olkewicz, d’après une idée du premier, André Øvredal lui a trouvé des similarités avec le film culte de Ridley Scott, Alien : un film d’horreur intense, avec un équipage dont les membres sont essentiellement issus du prolétariat, devant faire face à un adversaire inconnu et implacable. « Pour moi, c’était clairement une version d’Alien se déroulant sur l’océan en 1897, avec Dracula comme entité extraterrestre », confie-t-il. Pour le producteur Mike Medavoy, le parallèle avec Alien n’est pas anecdotique : « Durant mes années chez United Artists, j’ai côtoyé Walter Hill qui travaillait alors sur le scénario original d’Alien, et ce concept de huis clos, sans possibilité de fuir, m’a marqué. Dans Demeter, un démon se fait acheminer à Londres où il compte débuter une nouvelle vie. Et comme pour Alien, le cœur du film, c’est ce qu’il va se passer sur ce vaisseau. »
Les comédiens ont suivi un entraînement intensif pour apprendre les rudiments de la navigation, organisé par la production à Rostock, en Allemagne. Sur un bateau semblable au Demeter, ils ont appris à faire les gestes et opérations qu’on attendait des marins à l’époque. Cet entraînement en commun leur a aussi permis de développer une franche camaraderie qui allait les accompagner durant les 67 jours de tournage.
Dans le rôle de Dracula, on retrouve l’acteur espagnol Javier Botet, qui est un habitué des rôles de monstre. On a pu le voir dans la peau de créatures effrayantes dans [REC], Mama, Les Sorcières de Zugarramurdi, Crimson Peak, Slender Man ou encore Scary Stories, réalisé par André Øvredal. Atteint d'une maladie appelée le Syndrome de Marfan, qui se caractérise notamment par une hyperlaxité (élasticité excessive des tissus péri-articulaires), Javier Botet mesure deux mètres et possède des doigts, des bras et des jambes particulièrement longs et fins.
La production a fait appel au responsable des maquillages spéciaux Göran Lundström, doublement récompensé aux Oscars pour son travail sur Border et House of Gucci. La production a cherché à retranscrire à l’écran la description horrifique de Dracula comme décrite dans le scénario : un visage cauchemardesque, un corps blanc comme l’os, des dents effilées comme un rasoir, et des ailes qui se déploient en grand. Si des effets numériques ont bien sûr été employés, l’équipe était très attachée à l’utilisation d’effets spéciaux traditionnels, avec prothèses et maquillage.
La créature apparaît à cinq stades de son évolution physique que Göran Lundström a nommés :
1) Nosferatu émacié et affamé
2) le loup-garou squelettique
3) Nosferatu homme
4) Nosferatu chauve-souris
5) Dracula pleinement repu, le stade auquel il peut se fondre dans la masse humaine.
Les stades 1 et 4 se sont largement inspirés de l’apparence du comte Orlok, joué par Max Schreck, dans Nosferatu. Javier Botet s’est rasé le crâne pour le rôle. Sa préparation nécessitait 3 à 5h de travail : des prothèses en silicone étaient d’abord fixées sur sa tête, puis il lui fallait se glisser dans une combinaison en latex.
Le dernier voyage du Demeter a été filmé en Allemagne, dans le célèbre Studio Babelsberg AG et aux Studios de Malte, un complexe qui propose un bassin couvert et deux énormes bassins ouverts près de la côte méditerranéenne. Les intérieurs, comme la cale à marchandise, la salle à manger, la cambuse où sont gardés les animaux et la cabine du capitaine, ont été construits sur les plateaux de Babelsberg. Quant à l’extérieur du navire, à savoir le pont dans toute sa longueur, de la proue à la poupe, garni d’énormes voiles, il fut construit aux Studios de Malte. Long de 65,27 m et large de 11,5 m, le Demeter est le plus grand navire jamais construit dans ces studios.