Cosmopolis est l'adaptation du treizième roman du célèbre auteur américain Don DeLillo. Le livre, publié en 2003, avait à l'époque reçu des critiques majoritairement négatives. Cependant, avec le temps, l'opinion critique a évolué et le roman est aujourd'hui considéré comme prémonitoire de par son point de vue pertinent sur les défauts du système financier international. C'est aussi un roman qui a été jugé cinématographiquement inadaptable pendant de nombreuses années, même par son auteur qui explique qu'une adaptation lui "semblait particulièrement compliquée, puisque l’essentiel de l’action est confiné à l’intérieur d’une voiture, ce qui n’est pas forcément très cinématographique."
Sept ans après A History of Violence, David Cronenberg se retrouve de nouveau en compétition au Festival de Cannes avec Cosmopolis (2012). Il s'était, auparavant, rendu sur la Croisette à plusieurs reprises : en 1996 pour Crash qui fut salué par le Prix Spécial du Jury, en 2002 pour Spider et entre les deux, il avait exercé son talent critique en étant Président du Jury (1999).
David Cronenberg ne connaissait pas le roman de Don DeLillo avant que le producteur Paulo Branco ne vienne lui proposer d'adapter son œuvre. C’est, d'ailleurs, le fils de ce dernier qui a tout de suite pensé au réalisateur canadien pour mettre en scène Cosmopolis. David Cronenberg a donc accepté de lire le livre, ce qu’il a fait en deux jours. Cette situation est assez rare, le réalisateur ayant plutôt l’habitude d’être à l’origine de ses projets.
En plus de réaliser le film, David Cronenberg en a aussi écrit le scénario, et ce, en seulement six jours. Les trois premiers jours, il a simplement recopié les dialogues du livre sur son ordinateur : "sans rien changer, ni ajouter", affirme-t-il. Les trois suivants, le metteur en scène a "rempli les vides entre les dialogues". Le scénario était prêt.
Le film Cosmopolis est très fidèle au roman du même nom. Il y a cependant, comme dans toute adaptation, quelques changements par rapport à l’œuvre originale. Dans le cas de Cosmopolis, c'est notamment la fin du livre, assez étrange, qui a été modifiée : "dès que je l’ai lue, je me suis dit : ce n’est pas en train d’arriver, c’est juste dans l’imagination de Packer. Je n’y crois pas", se souvient David Cronenberg. Dans cette fin, le personnage principal se retrouvait au milieu d'un tournage de film, chose qui ne convenait pas au réalisateur : "Je me méfie des films dans le film. Cela peut être intéressant, mais à condition qu’il y ait une vraie nécessité."
David Cronenberg a très vite pensé à Robert Pattinson quand Colin Farrell s'est retiré du projet. Le réalisateur avait vu le comédien dans Twilight, Little Ashes et Remember Me et était persuadé qu'il pouvait devenir son Eric Packer : "c’est un rôle écrasant, il est tout le temps à l’image, je ne crois pas avoir jamais fait un film où le même acteur occupe littéralement chaque scène. Le choix d’un acteur, c’est affaire d’intuition, il n’y a pas de règles ni de mode d’emploi", explique Cronenberg.
David Cronenberg n'a pas laissé ses acteurs improviser sur le tournage de Cosmopolis, parce que : "les dialogues, qui sont de DeLillo, ont été la raison pour laquelle je le réalisais", explique-t-il. Cependant, les acteurs ont eu d'autres libertés. C'était, par exemple, à eux de trouver le ton et le rythme propres à ces dialogues : "c’est particulièrement intéressant avec Robert Pattinson, qui est dans la limousine où débarquent des personnages très différents joués par des acteurs très différents. Cela l’amène lui aussi à jouer différemment selon qui il a en face de lui", termine le réalisateur.
L'intrigue de Cosmopolis a beau intégralement prendre place à New York, le tournage s'est aussi déroulé à Toronto, la ville du réalisateur David Cronenberg : "On a fabriqué l’espace du film en associant des éléments qui se trouvent vraiment à New York et d’autres à Toronto, où on tournait tous les intérieurs en studio", explique-t-il. De plus, la majorité du film se déroule à l'intérieur d'une limousine, "il était par conséquent impossible de tourner ce film dans une véritable limousine, il fallait reconstruire en studio pour pouvoir déplacer la caméra", poursuit le cinéaste, avant de conclure : "l’essentiel, c’est la limousine, qui elle-même est moins une voiture qu’un espace mental : être dans la limo, c’est être dans le tête d’Eric Packer. Voilà ce qui compte."
Avec Cosmopolis, David Cronenberg revient à notre époque, après son incursion dans les années 1910 pour A Dangerous Method (son précédent film). La bande-annonce laissait présager un film très violent, mais ce n'est finalement pas le cas. Cosmopolis a ainsi, contre toute attente, obtenu une classification tous publics du CNC.
En incarnant le playboy Eric Packer dans le violent Cosmopolis, Robert Pattinson casse son image. Avec ce rôle, il s'éloigne un peu plus d'Edward Cullen, le gentil vampire qu'il joue depuis quatre ans dans la saga Twilight et qui a fait de lui une star international. Il s'était déjà écarté de la saga en jouant dans les drames romantiques Remember Me et De l'eau pour les éléphants, mais Cosmopolis marque un tournant plus radical au sein de sa jeune carrière. En effet, c'est la première fois qu'il est dirigé par un réalisateur aussi reconnu que David Cronenberg.
Initialement, Colin Farrell avait été prévu dans le rôle principal de Cosmopolis, mais dut abandonner le projet en raison d'un problème d'emploi du temps avec son film Total Recall Mémoires Programmées, laissant ainsi le champ libre à Robert Pattinson. Marion Cotillard, qui avait elle aussi obtenu un rôle dans le film, quitta le projet en raison de sa grossesse.
On retrouve, au casting de Cosmopolis, les acteurs Mathieu Amalric et Juliette Binoche qui font, d'ailleurs, partie du cercle très fermé des Français à avoir une carrière internationale. On a ainsi pu voir Binoche dans Le Patient anglais ou Coup de foudre à Rhode Island et Amalric dans Munich ou Quantum Of Solace. En France, ils ne s'étaient croisés qu'une seule fois, en 1996, dans Alice et Martin d'André Téchiné.
Dans le roman de Don DeLillo, la ville de New York est largement décrite et le lecteur sait que le héros parcours la 47ème rue de Manhattan d’Est en Ouest. Or, depuis la parution du roman il y a dix ans, la ville a beaucoup changé et David Cronenberg ne souhaitait pas s’encombrer de détails géographiques : "il m’a semblé légitime d’aller dans le sens d’une plus grande abstraction, même si c’est bien New York qu’on voit par les fenêtres de la voiture", explique-t-il, car de toute façon, plus que d’être à New York, le spectateur se trouve dans la tête d'Eric Packer, le personnage principal.
Howard Shore, oscarisé pour son travail sur Le Seigneur des Anneaux, a composé la musique de tous les films de David Cronenberg depuis Chromosome 3 (à l'exception de Dead Zone). Cosmopolis ne déroge donc pas à la règle et marque la quinzième collaboration entre les deux hommes.
Depuis leur première collaboration en 2005, sur A History of Violence, David Cronenberg avait fait appel à Viggo Mortensen pour chacun de ses nouveaux films. On avait ainsi pu découvrir le comédien en mafieux russe dans Les Promesses de l'ombre (2007) et en Sigmund Freud dans A Dangerous Method (2011). Le duo ne s'est, pourtant, pas reformé pour la quatrième fois, Robert Pattinson tenant, cette fois-ci, le rôle principal du nouveau long métrage du réalisateur canadien.
A seulement vingt-cinq ans, l'actrice canadienne Sarah Gadon possède déjà une longue carrière télévisuelle derrière elle. On pouvait, ainsi, la croiser régulièrement dans des séries comme Les Vies rêvées d'Erica Strange ou bien Happy Town. Sur grand écran, la comédienne a, notamment, côtoyé Daniel Craig et Rachel Weisz dans leur Dream House (2011), avant de rejoindre le casting quatre étoiles de A Dangerous Method (id.) : Viggo Mortensen, Keira Knightley et Michael Fassbender (elle incarnait la femme de ce dernier), sous la direction de Cronenberg qu'elle retrouve donc à l'occasion de Cosmopolis.
David Cronenberg ne réalise jamais de storyboard pour ses films, car "tout le monde essaie de faire ce qui a été dessiné. Ce n’est pas mon idée du cinéma. J’ai besoin d’être surpris, j’ai besoin de me surprendre moi-même, et que les autres me surprennent. (...) C’est bien plus amusant". Cosmopolis n'a pas dérogé à la règle et s'est donc fait selon les envies du moment de son réalisateur.