"Aïssa [Maïga], c'est un bonbon ! Elle conçoit un tournage comme on fabrique une matière première. Ensuite, le metteur en scène trie, classe, organise", raconte Léa Fazer. "Elle ne veut pas savoir trop de choses. Elle se jette dans les prises avec un projet beaucoup plus vague que celui de Nathalie [Baye], de Jocelyn [Quivrin] ou d'Eric [Cantona]. Elle est complètement dans l'instant. Elle donne énormément à chaque prise, mais elle pense toujours ne pas avoir assez donné. C'est une instinctive insatisfaite. Mais elle n'en fait pas une histoire !"
"Nathalie [Baye] est une actrice musicale. Elle a abordé son rôle comme une partition. Elle recherche une mélodie. Quand elle trouve la bonne harmonie, le sens est là, l'émotion et la drôlerie se révèlent, puis le corps suit", explique Léa Fazer. "C'est incroyable car c'était la musique que j'avais dans la tête en écrivant le scénario. On était raccord. Comme son jeu est musical, elle a besoin de silence pour entendre ce qui se passe autour d'elle."
"Jocelyn était un de mes témoins de mariage et je suis la marraine de son fils. Ça en dit long. Il avait une capacité extraordinaire à créer des liens. J'aurais bien aimé être son double ! Plus qu'un acteur fétiche, c'était un collaborateur fétiche", raconte Léa Fazer. "Pour preuve, il a vraiment insisté pour que je réécrive une des séquences du film : celle où son personnage tente de faire comprendre à Marie-France et Roger que leur génération a eu plus de facilités pour réussir que la sienne. Il m'a harcelée même. C'est devenu une de mes séquences préférées."
"Le couple Marie-France et Henri, autrement dit Nathalie Baye et Pierre Arditi, a été une évidence pour moi. Celui de Sébastien (Jocelyn Quivrin) et Clémentine (Aïssa Maïga) était moins défini. C'est la production qui me l'a proposé et j'ai trouvé ça génial, ça ouvre, ça décloisonne. Idem pour le couple Roger (Jacques Weber) et Hervé (Laurent Lafitte). On a cherché à coller à la France d'aujourd'hui !", explique Léa Fazer.
Entre Jocelyn Quivrin, Nathalie Baye ou Pierre Arditi, Léa Fazer dirige ici plusieurs générations d'acteurs, ce qui ne lui a pas plus posé de problèmes que d'habitude : "Je ne parle pas de la même manière à tous les acteurs car chacun a son mode de fonctionnement. Il y a les acteurs qui, comme Jocelyn, adorent faire 25 versions de chaque prise. Et il y a ceux qui vont chercher une intention très précise et qui préfèrent s'arrêter quand ils y sont parvenus", explique la réalisatrice. "J'étais très impressionnée de faire tourner Nathalie Baye, Pierre Arditi et Jacques Weber. Cette admiration peut être parfois inhibante. Ils ont une telle expérience. Ce sont des comédiens que j'ai admirés avant même de les rencontrer. Les autres étant de ma génération, cette barrière était moins présente. Ensemble, on s'est très vite compris !"
"Tous les scénaristes vous le diront : on glisse des éléments autobiographiques sans le vouloir, sans y prêter attention !", précise Léa Fazer. "Le personnage de Marie- France [Nathalie Baye] est un mélange de quinze mères de copains et de copines que je connais. Il y a aussi un peu de moi dedans, sans oublier des amies. Sébastien [Jocelyn Quivrin], c'est un peu mon compagnon avec d'autres gens et moi en plus. En fait, il ne faut jamais parler à table quand il y a un scénariste présent. (rires)"
"J'ai constaté que beaucoup de gens autour de moi se plaignent de l'absence de disponibilité de leurs parents. Ce sont souvent de jeunes retraités en pleine forme, qui ont encore au moins 25 ans devant eux. Ils ont une aisance côté pouvoir d'achat, sont tout le temps en voyage ou reprennent des activités comme le piano. Du coup, ils aident moins que ce qu'on aimerait ! D'autre part, les trentenaires d'aujourd'hui ont le sentiment d'appartenir à une génération plus pauvre que celle de leurs parents au même âge", explique Léa Fazer. "D'où mes questionnements : peut-on être jaloux d'eux, est-ce que ça un sens, qu'est-ce que ça peut provoquer ? [...] Le film est nourri de toutes ces thématiques, mais au final, le film est déjanté, tout part en vrille. Je tenais à ce que les personnages et les situations de départ soient extrêmement réalistes et bien ancrés dans la société d'aujourd'hui."
Ensemble c'est trop est le dernier film tourné par Jocelyn Quivrin, décédé le 15 novembre 2009.
Ensemble c'est trop est le troisième long métrage réalisé par Léa Fazer, et son deuxième d'affilée dans lequel elle dirige Jocelyn Quivrin, après Notre univers impitoyable.