Le réalisateur Joaquin Oristrell est convaincu que la nourriture est ce qui caractérise le plus un pays. L'idée du film lui est venue lorsqu'il a pris conscience que l'Espagne occupait une place de choix dans la gastronomie internationale. Il associe ainsi son film à un "kitchen opera" ou "opéra de cuisine". Selon lui, manger est une nécessité, mais c'est aussi un des premiers plaisirs humains et peut-être même le plus grand. La cuisine méditerranéenne est caractérisée par trois éléments récurrents au cours des repas: le pain, le vin et l'huile d'olive. Mais au-delà d'une simple cuisine, il s'agit d'un style de vie qui s'oppose en un sens à celui des pays anglo-saxons. Et c'est ce qu'a voulu montrer le cinéaste à travers ce triangle amoureux sur fond de cuisine.
Le réalisateur et scénariste d'Amours salées et plaisirs sucrés est reconnu comme l'un des maîtres de la comédie espagnole. Il remporte notamment le prix du meilleur réalisateur et du meilleur scénario aux Barcelona Films Awards en 2004 pour Inconscientes. Par ailleurs, il a officié de nombreuses fois comme scénariste sur les films de Manuel Gomez Pereira dont Bouche à Bouche avec Javier Bardem(1995), Entre les jambes (1999) où l'on retrouve l'acteur espagnol au côté de Victoria Abril et Reinas en 2005.
Amours salées et plaisirs sucrés marque les retrouvailles du réalisateur Joaquin Oristrell et de l'actrice Carmen Balagué, sa compagne, qu'il avait déjà dirigée dans What Makes Women Laugh? (1997), No Shame (2001), Va a ser que nadie es perfecto (2006) entre autres. Olivia Molina et Alfonso Bassave avaient quant à eux joué dans la même série: El síndrome de Ulises.
Joaquin Oristrell a construit un triangle amoureux entre deux hommes et une femme et cela de manière intentionnelle, car pour lui, le 21ème siècle est celui des femmes. En plus de ce constat qu'il dresse, il ajoute que l'on a trop souvent vu au cinéma un homme pris entre deux femmes. La comédie joue d'ailleurs en faveur des femmes, car de son point de vue, il s'agit d'un genre féminin.
Amours salées et plaisirs sucrés a été présenté au Festival International du Film de Berlin 2010 à l'occasion de la séance "Cinéma culinaire". Cette section spéciale qui existe maintenant depuis 2006, comprend la projection de longs-métrages, de documentaires, de courts-métrages qui ont pour sujets principaux la nourriture et des problématiques environnementales. Les séances sont suivies d'un dîner au restaurant pour prolonger le plaisir... Le film a été également projeté au Festival International du Film de Seattle.
Le réalisateur avoue avoir beaucoup remanié le scénario avant d'aboutir à sa version définitive : "Au début, nous avions écrit un script avec de nombreux rebondissements et un argument compliqué. Or, nous nous sommes aperçus que nous devions en fait rester centrés sur Sofia, ses désirs et sa carrière. Nous voulions également impérativement montrer 40 ans de la vie d’un personnage et d’un village, période qui reflète l’évolution de la gastronomie en Espagne : le passage des plats traditionnels et peu sophistiqués à une cuisine créative devenue une référence mondiale."
François Truffaut, Billy Wilder et Ernst Lubitsch sont des références que Joaquin Oristrell cite lorsqu'il parle de son film : "Que n’importe quel film avec comme argument un ménage à trois nous rappelle Jules et Jim est logique. C’est pour cela que j’ai utilisé ce film quand Sofia regarde la télé pour apprendre le français. Le premier film de Truffaut que j’ai vu c’est Fahrenheit 451. J’avais 15 ans et c’est ce film qui m’a donné envie de faire du cinéma. Truffaut était fasciné par ses actrices et portait un regard lumineux et plein de compassion sur tout ce qui l’entourait. Je suis également un grand admirateur de la comédie américaine et de Billy Wilder en particulier. Wilder a essayé dans nombre de ses œuvres de bousculer l’ordre établi en utilisant le rire comme élément central. D’ailleurs, Wilder avait également un maître, Ernst Lubitsch. Et Lubitsch a réalisé à son époque un film incroyablement moderne sur un trio amoureux : Sérénade à trois."
Tout comme la cuisine méditerranéenne s'appuie sur trois ingrédients de base, à savoir le pain, le vin et l'huile d'olive, le film trouve son équilibre dans les trois protagonistes. "J’associe le personnage de Frank (l'amant) au vin rouge pour son obscurité et sa noblesse. Comme les bons crus, c’est un personnage fort qui séduit, enivre et prend du corps avec les années. Toni (le mari) est le pain parce qu’il est là au quotidien. C’est l’ingrédient essentiel qui donne du sens aux autres. Quelque chose d’humble, fait de manière familiale, au four. Sans lui, il manque quelque chose d’élémentaire à table ! Comme l’huile, Sofia est sensuelle, glissante et elle colle à la peau. Comme l’olive, qui est le fruit d’un arbre, c’est quelqu’un qui garde à la fois des racines mais dont les branches cherchent le ciel. Dans son cas : l’art, la création, le rêve", explique le réalisateur.
Joaquin Oristrell revient sur son choix d'acteurs : "Je ne pensais pas à Olivia Molina au début. J’avais une actrice très différente en tête. Olivia était en train de faire de la télé et je la croyais hors du circuit cinématographique. Puis je l’ai vue dans une scène d’une des séries dans laquelle elle tournait et j’ai su alors qu’elle était capable d’être à la fois élégante et sensuelle, ce que le personnage exigeait. (...) J’avais vu Alfonso Bassave dans le film à sketches 8 citas. Il y était séduisant, attirant et il avait une certaine tristesse dans le regard. C’est ce qui m’a convaincu. Quant à Paco León, que je connaissais assez bien, je lui ai demandé de prendre son père comme référent. Je voulais qu’il joue comme un père de famille méditerranéen et qu’il ne perde jamais la clé de son immense amour pour sa femme. Et c’est ce qu’il a fait."
Pour Olivia Molina, Alfonso Bassave et Paco León, Amours salées et plaisirs sucrés leur offre leurs premiers grands rôles au cinéma.
Situé dans le monde de la gastronomie, le réalisateur a fait appel à un spécialiste pour que les scènes de cuisine d'Amours salées et plaisirs sucrés paraissent crédibles : "Je suis entré en contact avec un grand chef : Ferran Adria. Il a choisi Alain Devahive pour créer les recettes. Tous les gens qu’on voit à l’écran dans les cuisines sont de véritables cuisiniers."
Cuisinier espagnol, Ferran Adria est une légende dans son domaine. Il est l'un des partisans de la cuisine moléculaire, qu'il préfère nommer "cuisine d'avant-garde". Il cherche à garder les saveurs de la cuisine traditionnelle catalane tout en expérimentant de nouvelles textures. Son restaurant, El Bulli, connaît un tel succès qu'il reçoit 2 millions de demandes de réservations par an. Distingué par trois étoiles au guide Michelin, il est désigné à 5 reprises comme le meilleur restaurant au monde par le magazine gastronomique Restaurant.
Comme dans Amours salées et plaisirs sucrés, d'autres films ont mêlé cuisine et passion amoureuse. Par exemple, Amour, piments et bossa nova dans lequel les petits plats de Penélope Cruz font chavirer les cœurs ou le film japonais Tampopo (1987) au sujet duquel le réalisateur Juzo Itami déclare: "Les seuls plaisirs auxquels les Japonais aspirent sont la nourriture et le sexe... parfois les jeux audiovisuels...".