La Danse, le ballet de l'opéra de Paris a été présenté à la 66e Mostra de Venise, dans le cadre de la section Horizons. Le film a égélament été projeté à Toronto.
Le cinéaste précise ses intentions : "Je suis un grand amateur de danse classique. Mais pour moi, ce film n'est pas seulement sur la danse. C'est vrai qu'il s'occupe des répétitions, des spectacles et comment se transmet la tradition d'une génération à l'autre par les maîtres de ballet ; les étapes hiérarchiques pour arriver à être danseur étoile. Mais pour moi, c'est aussi très lié aux institutions, à la façon dont fonctionne l'administration de la danse, et les relations entre cette administration et les autres en France, et entre les institutions françaises et les américaines par exemple. Pour moi, il s'agit toujours de trouver les relations entre des choses spécifiques, et de la possibilité de trouver, à la périphérie du sujet, la métaphore.
Frederick Wiseman confie qu'il a eu envie de faire ce film pour "comprendre ce que la danse représente", et en savoir plus sur cette "relation entre le corps et le cerveau". Il ajoute : "Tous les gestes des danseurs sont du travail, de l'entraînement dès l'âge de 6 ou 7 ans, pour manipuler le corps et arriver à ces choses si belles. Et puis, lorsqu'ils sont plus âgés, ils ont souvent des maladies très liées à leur carrière. Dans un certain sens, c'est une lutte contre la mort, parce que c'est quelque chose de très artificiel. Et on sait que ça ne dure pas, parce que le spectacle est transitoire, mais également le corps. Et c'est un privilège de regarder les gens qui se sont consacrés à cette vie, et ne peuvent pas gagner cette bataille contre l'usure et la mort, ou alors pour très peu de temps. Cela m'intéresse beaucoup : la danse est si évanescente... "
Frederick Wiseman qui s'est fait connaître en brossant le portrait des grandes institutions américaines, s'était intéressé dans un précédent film à une autre fameuse institution culturelle, la Comédie-Française. Comparant les deux "maisons", il note : "A la Comédie-Française, on partage le pouvoir. Il y a beaucoup de clans, et ils sont souvent en guerre les uns avec les autres. Ici, l'administratrice a tous les pouvoirs. Elle n'est pas dictatrice, mais c'est elle qui prend les décisions."
Frederick Wiseman a réalisé en 1995 un film comparable consacré à l'Américan Ballet Theatre, intitulé Ballet. Ce qui a frappé le cinéaste après ces deux expériences, c'est que, par rapport aux Etats-Unis, "la France est vraiment un pays hiérarchisé, un pays de castes même (...) Les classes existent en Amérique, mais c'estbeaucoup plus fluide. C'est plus facile de commencer très bas et de monter. Ici on peut, mais c'est très difficile."
Directrice de la danse à l'Opéra de Paris, Brigitte Lefèvre est forcément très présente dans le film. Elle confie : "Ce que j'ai trouvé intéressant dans ce film, mais qui à la fois m'a gênée, troublée, c'était de me voir, parce que normalement, une grande partie de ma tâche, de mon travail - je ne parle pas de ma personne - est essentiel, mais la plupart des choses que je fais ne sont pas visibles. Là, par ce film et la confiance qu'on lui a manifestée, d'un seul coup Frederick Wiseman a pris des images où je me trouve absolument ridicule ! Quand je me vois, j'ai l'impression que je joue un rôle. On assiste presque à une espèce de dédoublement, entre la réalité de ce que l'on ne voit jamais, et la sensation que c'est joué; alors que c'est comme ça : quand je parle à la petite jeune fille, c'est comme ça, et puis à un moment donné je peux parler tout à fait différemment... Finalement la seule qui parle dans le film, c'est moi."