La nuit appartient au vampire, au hibou et à Michael Mann.
Heat est resté comme le plus grand film de Michael Mann à ce jour. A raison. Mann continue d’y développer ses fascinations et ses manies. On retrouve donc une ambiance tendue et urbaine. On suit deux personnages. L’un est un braqueur intelligent, méticuleux, organisé, le meilleur dans son genre. Dans sa vie perso, c’est le vide. L’autre est flic. Il est tenace, survolté, malin, le chasseur qu’aucune proie ne veut avoir au derrière. Côté vie privée, c’est le chaos. Le film est construit sur un montage en parallèle qui mène nos deux protagonistes vers leur destin commun. Dès lors, il était essentiel de caractériser les personnages et de se détacher des stéréotypes tout en perpétuant la tradition du film noir à laquelle Mann tient. C’est cette dramaturgie construite patiemment qui donnera toute son intensité à la déflagration. Visuellement, on retrouve la patte de Mann comme celle de son chef op’ Dante Spinotti. Le travail sur la lumière est somptueux, les longs travellings en hélico dans le ciel étoilé de L.A. donnent le vertige, les contre-plongées sur les buildings vitrés traduisent l’immensité du décor et les lieux insolites choisis permettent d’apporter un nouveau regard sur une ville qu’on croit connaître. Et par-ci, par-là, ce fameux plan sur les personnages en contre-jour sur une musique qu’on trouvera kitsch ou tout à fait à propos. Dans ce déluge visuel, les acteurs sont maîtres de leur art. La confrontation de De Niro et Pacino en est bien sûr le point d’orgue, elle rappelle le jeune De Niro devant son miroir dans Taxi Driver. Les rôles s’inversent. Pacino a cette démarche féline, il impressionne. Les seconds rôles sont parfaits également, Kilmer en tête. Mais la vraie performance, c’est la scène de fusillade en pleine ville. Elle claque comme le son d’une gifle, d’une précision grisante. Et c’est là que le point de vue que l’on construit depuis le début prend toute son importance car dans ce jeu du chat et de la souris, il est devenu impossible de choisir un camp. Et chacun ira de toute façon vers son destin, parce que c’est ça, un film noir : de l’amour, de la violence, des valeurs qui s’entrechoquent et beaucoup de spleen.