La voix-off du réalisateur énonce un récit construit dans un style littéraire soutenu qui contraste avec les images parfois floues, qui bougent souvent à l'écran. Tous les textes ont été rédigés à Paris après un premier montage image. Vincent Dieutre y a ajouté des souvenirs parfois un peu « arrangés » aux différents plans, ce qui permet de former un contrepoint entre ce qui est donné à voir (des lieux, des visages) et les bribes de récits qui deviennent un peu des « rushes écrits ». Pour le cinéaste, cet exercice relève de la composition musicale: "Je pense souvent à la notion d’image/temps en faisant ce travail, et le résultat est souvent riche d’une émotion très particulière, comme si l’effet de perte, de “jamais plus“ était démultiplié, comme lors d’une confidence. Je me dis que si la monteuse et moi sommes touchés, le spectateur le sera aussi, si on laisse le temps au film de se déployer, à tous les éléments de « concerter » … On est dans la composition musicale…"
Sur place, Vincent Dieutre a enregistré des sons seuls, et au moment du montage des rushs, des poèmes argentins de Silviana Ocampo, Matilde Alba Swann, Roberto Juarroz ou encore Pablo Neruda, lus en Espagnol, ont été ajoutés pour compléter le fond sonore.
Ce film n'était pas prémédité par son auteur, ni même écrit. Ce n'est qu'a posteriori que Vincent Dieutre a pris conscience qu'il tenait un film dans les images et les sons glanés durant son premier séjour à Buenos-Aires.
Comme dans certains de ces précédents films, Rome desolee ou encore Bologna centrale, Despuès de la Revolución est selon son réalisateur, Vincent Dieutre, un "film de ville", sédentaire et urbain. Il s'inscrit ainsi dans ce qui est maintenant devenue une trilogie urbaine dans l'oeuvre de son auteur.
Despuès de la revolución représente en quelque sorte une remontée aux origines pour son réalisateur Vincent Dieutre. En effet, il a été formé culturellement par la fréquentation, au début des années 1980, d’artistes argentins en exil à Paris (la bande d’Arrieta, Copi…). Découvrant pour la première fois Buenos Aires vingt-cinq ans plus tard, le cinéaste traque les vestiges de cette ville où il a la sensation d’être né sans pour autant la connaître: "Dans le Paris des années Palace, les Argentins tenaient une place primordiale : ils refondaient la scène culturelle parisienne, et moi je naviguais à leurs côtés dans le sillage de Copi et d’Alfredo Arias sous le haut patronage de Marguerite. Entre eux les Argentins ne cessaient d’évoquer leur ville, leur Buenos-Aires, leurs quartiers, leurs cafés. Du fait de leur exil en France, c’est comme si la ville avait cessé d’exister avec la dictature pour renaître devant moi, plus diffuse, plus colorée, plus précise presque, dans leurs conversations animées, drôles et souvent alcoolisées. J’avais donc la mémoire d’une ville inconnue et cette strate mémorielle s’est télescopée avec mon irruption inattendue dans le vrai Buenos-Aires. D’autres corps argentins sont apparus que j’ai identifiés comme des doubles de mes Argentins de Paris, l’artiste militant et le psychanalyste dépressif. Mais le Buenos Aires que j’ai rencontré était en pleine effervescence, en pleine libération sexuelle, loin du monde nostalgique que j’avais construit en rêve. Il fallait trouver une forme particulière pour rendre cette double révélation."