Réunissant à la fois des images d'archives, des analyses, interviews d'experts du monde entier et des témoignages de victimes, le travail d'investigation de Philippe Diaz (qui a filmé plus de cent heures d'images) est avant tout une commande de la part de la "Robert Schalkenbach Foundation", fondation finançant des travaux de recherche sur l'équité économique et la philosophie sociale. Le réalisateur se base également sur une thèse défendue par Jeffrey Sachs dans son livre déjà intitué "La fin de la pauvreté ?".
Essentiellement producteur (il a notamment produit Rue du départ de Tony Gatlif mais aussi Mauvais sang de Leos Carax), c'est par le biais du cinéma que Philippe Diaz s'est très vite engagé politiquement. Au début des années 90, la société américaine New Line Cinema le contacte pour co-financer et produire L'Affaire Wallraff, un thriller politique avec Jürgen Prochnow et Peter Coyote. Cette initiative marque le début d'un travail prolifique. En effet, après avoir déménagé à Los Angeles en 1991, Diaz a continué de produire des films à caractère social et politique avec sa société Sceneries Entertainment. En 2003, il crée Cinema Libre Studio, avec un consortium de partenaires, fournissant une structure alternative pour la production et la distribution de films indépendants aux Etats-Unis comme Uncovered : tout sur la guerre en Irak de Robert Greenwald ou encore Nouvel ordre mondial (quelque part en Afrique), qu'il a lui-même réalisé. C''est Jean-Jacques Beineix qui a assuré la distribution de ce dernier film, La Fin de la pauvreté ?, via sa maison de distribution "Cargo Films".
En distribuant un film comme La Fin de la pauvreté ?, la société "Cargo Films", dirigée par Jean-Jacques Beineix, revendique un idéal des plus engagés. Jean-Jacques Beineix affirme ainsi : "Comment peut-on encore ignorer la pauvreté ? Nous sommes 6 milliards sur notre terre et 1 milliard d'êtres humains connaissent chaque jour la faim. En 2030 nous serons 9 milliards. Ne rien faire, ne rien dire, s'apparente à de la non-assistance à humanité en danger. Le film de Philippe Diaz explique de manière claire et intelligible les mécanismes qui font de la pauvreté un mal endémique et qui s'étend. Le Sud finance le Nord, et nous créons par nos institutions, nos modèles économiques et sous la loi de Wall Street, toujours plus de pauvres. Pouvions-nous refuser de distribuer un tel film ? Forts de notre expérience auprès des salles équipées en numérique, nous sollicitons tous les réseaux associatifs et éducatifs pour amener au plus grand nombre ces oeuvres qui répondent à des questions majeures et qui doivent trouver leur public. Délibérément nous nous inscrivons dans la durée, hors des lancements fracassants mais forts du soutien de tous ceux qui ont encore le désir de changer les choses. Cargo Films Distribution est une petite structure, mais si nos objectifs sont limités, ils restent cohérents avec les causes que nous avons toujours défendues en tant que producteur de cinéma ou d'oeuvres audiovisuelles. Avec l'aide de tous, nous pouvons arriver à donner à " La Fin de la Pauvreté ? " la diffusion qu'il mérite."
De nombreux économistes, intellectuels, écrivains ou hommes politiques ont collaboré au projet, parmi lesquels Susan George (Présidente d'Honneur de ATTAC France et Présidente du Conseil du Transnational Institute), John Perkins (Auteur du best-seller "Confessions d'un tueur à gages économique", qu'on avait pu voir dans Let's Make Money), Amartya Sen (Prix Nobel d'Économie en 1998), Joseph Stiglitz (Prix Nobel d'Économie en 2001 et ancien économiste en chef de la Banque Mondiale) et Eric Toussaint (Président du Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde).
Voyageant aux quatre coins du Monde (Amérique du Sud : Venezuela, Brésil, Bolivie ; Afrique : Kenya et Tanzanie ; Europe et Amérique du Nord), Philippe Diaz entend démontrer, point par point, les effets de l'histoire coloniale : L'accumulation de richesses dans l'hémisphère nord a créé un déséquilibre énorme rendant le Nord extrêmement riche, permettant à l'Europe de développer ses industries et des sociétés de consommation alors que les populations du Sud s'appauvrissaient. Aujourd'hui moins de 25% de la population de la planète utilise plus de 80% de ses ressources tout en créant 70% de sa pollution. Notre système économique a toujours été et est toujours financé par les plus pauvres. Ils nous ont d'abord donné leurs terres et leurs accès aux ressources naturelles, puis ont financé son expansion par le remboursement de la dette, le déséquilibre des échanges et les impôts injustes sur leurs salaires et leur consommation. En les obligeant à surpayer l'énergie, la nourriture et autres nécessités de base, le Nord s'assure que la pauvreté se développera et les inégalités augmenteront. Selon l'économiste Serge LaTouche, "aujourd'hui, si tout le monde vivait comme les Américains, il nous faudrait 6 planètes ; en 2050, il nous en faudrait 30."
Pour faire son film, Philippe Diaz se base essentiellement sur l'Histoire, et revient alors sur le crime originel de la colonisation : les conquistadors et les colonisateurs venus d'Espagne, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Hollande se sont approprié les richesses des Incas et des Mayas ; d'abord l'or, l'argent, les objets d'art et les bijoux puis ils ont confisqué les terres. Une telle pratique avait commencé auparavant en Europe, où les classes aristocratiques avaient saisi les terres des familles les plus pauvres. Les terres ont ainsi été appropriées dans l'ensemble de l'Amérique du sud, l'Asie et l'Afrique, privant les familles de leur moyen de subsistance. Aujourd'hui, plus de 500 ans plus tard, des dizaines d'années après l'indépendance de leurs pays et la mise en place d'un prétendu processus démocratique, les peuples ne les ont toujours pas récupérées. On estime qu'aujourd'hui 60 à 80 millions de personnes vivent dans une situation proche de l'esclavage. Les empires européens ont été bâtis sur les richesses volées aux colonies et le travail des esclaves. Les mines d'or du Brésil et les mines d'argent de la Bolivie, comme Potosi, leur ont permis de financer leurs révolutions industrielles. (...) Pour continuer leur appropriation des ressources, les conquistadors ont maintenu leurs colonies dans un état de totale dépendance. Après avoir obtenu les ressources naturelles et la main d'oeuvre gratuite, les Européens ont créé de nouveaux marchés pour leurs propres productions. Ils ont séparé l'agriculture de l'industrie, empêchant les fermiers de confectionner leurs outils, vêtements et autres ustensiles et faisant d'eux des acheteurs de produits manufacturés. Les industries locales furent détruites et les colonies forcées d'acheter les biens et les équipements de leurs maîtres coloniaux.
Le documentaire de Philippe Diaz entend faire un état des lieux de la pauvreté dans le monde. Le film commence sur une question provoquante : "Avec tant de richesses dans le monde, pourquoi y a-t-il encore tant de pauvreté ?". Pour répondre, le réalisateur a décidé de partir des effets aux causes. Quelques constats cruels, basés sur les chiffres des Nations Unies, se sont d'abord imposés : "Aujourd'hui, plus de 1 milliard de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour ; 2,7 milliards de personnes luttent pour survivre avec moins de 2 dollars par jour ; Plus de 800 millions de personnes se couchent avec la faim tous les jours... dont 300 millions d'enfants ; Toutes les 3 secondes, une personne meurt de faim, en majorité les enfants de moins de 5 ans."
Philippe Diaz signe, avec La Fin de la pauvreté ?, un documentaire très sobre dans sa facture. Désireux de ne pas faire de la pauvreté un spectacle, le cinéaste s'explique sur ses choix : "Les "stars" du film allaient être des pauvres. Et je savais qu'on ne pouvait pas faire du "cinéma" avec un sujet aussi terrible. J'ai donc évité d'utiliser des zooms ou n'importe quel autre effet visuel, à moins qu'il ne soit absolument indispensable dans le contexte d'une scène."
Si, pour la version internationale du film, c'est Charlie Sheen qui a prêté sa voix pour le rôle du narrateur, la version française a été assurée par l'acteur Charles Berling.