La fin du film est un hommage au cinéaste américain Stan Brakhage dont les films ont beaucoup influencé Raya Martin dans ses jeunes années : "Puisque ce film cherche aussi à montrer l’évolution d’un cinéaste, la dernière partie devait imiter les films peints et lacérés de Stan Brakhage. J’ai finalement choisi d’incorporer cette idée dans le tout dernier plan parce qu’il m’a semblé qu’il y avait déjà assez de coupes et de sautes dans la structure du film", explique t-il.
Le réalisateur s'est inspiré d'une vieille photo de son grand-père pour déterminer l'ambiance visuelle de son film : "Ce genre de photo de studio est typique de l’époque. Je suis surtout intrigué par le mélange d’extérieurs et d’intérieurs. Les fonds peints sont associés à des éléments naturels, comme les plantes et les sols. Quelque chose dans cette artificialité me semble hollywoodien. À la télévision, les gens attendent un naturalisme qui interagisse avec des éléments de studio. Je voulais que cette artificialité fonctionne avec quelque chose de véritablement naturel, comme un film d’époque intimiste fait dans les bois."
La fin du précédent film de Raya Martin, A Short Film about the Indio Nacional, montre les prémices d'une révolution contre la domination espagnole aux Philippines. Cette révolte a bien eu lieu, mais, pendant qu'elle reconnaissait la déclaration d'indépendance des Philippines, l'Espagne vendait ce territoire aux Etats-Unis qui n'ont pas reconnu cette indépendance et ont pris le pouvoir par la force. Le cinéaste s'explique : "La fin d'Indio National montre le germe d'une révolution contre la domination espagnole. Historiquement, cette révolte a abouti à la déclaration d’indépendance accordée par l’Espagne en 1898. Mais simultanément, l’Espagne perd la guerre contre les Etats-Unis et nous vend à ces derniers par la voie d’un traité. Dès lors, les Etats-Unis refusent de reconnaître notre déclaration d’indépendance et pénètrent en force dans le pays pour nous annexer. Les Philippines faisaient désormais partie de la carte américaine. L'histoire d'Independencia s'inscrit dans le contexte de cette seconde colonisation. Il faut savoir que les États-Unis ont feint de venir à notre secours en camouflant l'esprit impérialiste sous le prétexte d'une intervention divine. Le président William McKinley avait déclaré qu’il priait fort pour obtenir des réponses sur le destin des Philippines. Il faut croire que Dieu lui a dit de tous nous foutre en l’air, et aux Etats-Unis de remplacer les colons espagnols."
Independencia traite de la résistance durant l'occupation nord-américaine des Philippines et imite donc l'esthétique des films de studio hollywoodiens de cette même période. Le réalisateur explique : "Mon idée était d'exposer ce substrat hollywoodien et de le subvertir afin de redéfinir nos véritables luttes. La fausse bande d'actualité au milieu du film est un bon exemple. Elle est basée sur le véritable récit d'un Américain concernant la mort d'un enfant philippin. Cette bande fait allusion aux entractes pratiqués pendant les séances de cinéma à cette époque." Le cinéaste s'est donc efforcé de se donner les mêmes contraintes que celles d'alors : "Il fallait tenir compte des limites de la cinématographie de l'époque et rajouter à celles-ci les limites spécifiques d'une cinématographie nationale pauvre comme la nôtre. L’idée du studio répondait à un imaginaire basé sur une certaine connaissance du style et des capacités techniques de l'époque".
Raya Martin a commencé à travailler sur Independencia en 2005, un peu après la sortie de A Short Film about the Indio Nacional.
Independencia a remporté deux prix au "Festival International du Film de Bangkok" (le Golden Kinnaree Award et le Netpac Award) ainsi que deux prix au "Festival International du film de Vadivia" (le Prix de la Critique et le Prix Spécial du Jury).
Independencia a été présenté dans la compétition Un Certain Regard du Festival de Cannes 2009 ainsi qu'au Festival du Film de Catalogne.