Réalisé par Eleonore Faucher, Gamines est l'adaptation cinématographique du roman du même nom écrit par Sylvie Testud. Largement autobiographique même si cette dernière ne le reconnait pas complètement, ce troisième livre de l'actrice raconte l'enfance d'une petite fille blonde, d'un vilain petit canard qui va s'épanouir et devenir une grande actrice. Ce destin, elle le doit au sacrifice de sa mère qui va savoir combattre les préjugés sur les femmes célibataires et sur les immigrés italiens à une époque où les idées reçues avaient la belle vie. Si Sylvie Testud joue bien entendu le rôle de Sybille adulte, la réalisatrice a jeté son dévolu sur un trio de jeunes actrices pétillantes et bluffantes de justesse : Zoé Duthion (Sybille), Louise Herrero (Corinne) et Roxane Monnier (Georgette). L'autre grande réussite du casting est d'avoir distingué les trois sœurs par des mimiques, des caractères et des apparences vestimentaires spécifiques à chacune que l'on prend un malin à retrouver dans le jeu des comédiennes qui les jouent adultes. Tour à tour drôle, mélancolique ou dramatique lorsque la figure du père vient contrebalancer l'équilibre familial, Gamines séduit véritablement lorsqu'il évoque la famille. Étouffante, omniprésente mais ô combien indispensable lorsqu'il s'agit de se serrer les coudes et de continuer à vivre malgré la difficulté d'être une mère seule pour le personnage joué par Amira Casar et de grandir sans rien connaître de leur père pour ce qui est des trois filles. Le film nous rappelle également qu'il n'y a pas si longtemps que cela l'image des immigrés italiens n'étaient pas plus glorieuses que celles que l'on nous donne des immigrés africains aujourd'hui, l'image galvaudée et raciste de l'italien voleur ayant d'ailleurs encore cours dans l'esprit de quelques vieux aigris. L'histoire est particulièrement touchante, la personnalité de Sybille qu'Eleonore Faucher nous dépeint confirme pleinement la part autobiographique du roman tant cette jeune fille impertinente ne peut devenir qu'une Sylvie Testud, cette actrice généreuse à la gouaille bien sentie qui nous a offert de jolis moments de cinéma depuis ses débuts au milieu des 1990's. A vrai dire, je ne vois qu'un seul reproche à faire à ce film et encore, il est anecdotique. Lors des scènes où Sybille est adulte, le vieillissement de son entourage familial est peu crédible tant Amira Casar même avec des traits plus vieux ne parvient pas, physiquement, à nous convaincre qu'elle est la mère de Sylvie Testud. Même constat pour Jean-Pierre Martins qui joue l'oncle Salvatore mais étant donné la qualité de sa prestation, on ne lui en tiendra absolument pas rigueur. Au-delà de l'image forte de la femme et de celle rassurante de la famille italienne, Gamines est avant tout un film sur l'enfance, sur les souvenirs, bons ou mauvais, qui marquent notre vie et nous forment à la vie d'adulte. Un sujet universel dont le traitement procure ici un plaisir au spectateur qu'il ne goûte pas si souvent dans le cinéma français. Une chose est sûre, après avoir vu Gamines, il y a de fortes chances que vous courriez acheter le livre dont il s'inspire, histoire de retrouver l'ambiance qu'il distille ou simplement de découvrir la plume de Sylvie Testud.