Des frères Larrieu, j'avais beaucoup aimé "Peindre où faire l'amour", film très réussi, à mon avis incompris comme celui-ci.
On retrouve leur façon bien particulière d'inscrire la vie quotidienne de monsieur ou madame tout le monde,soumis à leur propre motifs existentialo-affectifs et à leurs propres peurs, qui se retrouvent face à une situation non appréhendée, surgissant de l'extérieur, qui balaye tout sur son passage et qui finit par donner de nouvelles perspectives et aussi de revenir à un essentiel. Dans "Peindre...", il s'agissait de bousculer les lignes conventionnelles du couple pour faire ressortir un amour puissant et profond. Ici, les frères Larrieu parle de nous tous, en tant qu'individu, face à nos choix, face à ce qui, pour nous, est vraiment essentiel: l'amour, le sexe, les plaisirs de la vie en général... Ils parlent également de nos angoisses les plus profondes face à l'impensable qu'est l'apocalypse, où de comment nous nous libérons de nos peurs pour mieux tromper notre angoisse de la mort, d'où cette obsession de la chair, de la sensualité et des corps...
Évidemment, les frères Larrieu exposent leur point de vue personnel qui est hédoniste. Il est à parié que tout ne se passe pas exclusivement de la sorte avec tout le monde. Mais le tour de force c'est leur vision de la fin du monde. Pourtant j'ai vu de nombreux films et téléfilms qui a grands renforts d'effets spéciaux et d'effets pyrotechniques parlaient d'apocalypse. Sauf l'excellent "Soleil Vert", également très angoissant, mais aussi film d'anticipation. Ici pas d'anticipation, on est plongé dans un début d'été qui pourrait être le début de cet été. Ca vous tombe dessus d'un seul coup! En fait tout le monde continuerai a essayer de vivre normalement pour nier ce qui se passe puis après de penser à survivre ou à se résigner s'il n'y a pas d'issue possible... Dans le film, il y a une sensation de résignation, d'à quoi bon face à ce qui se passe, on est dépassé... Finalement, heureusement qu'on ne sait pas vraiment ce qui se passe, il est plus intéressant de poser la question que de donner la réponse, ça renforce l'angoisse voulue, et le chaos d'ensemble qui se dégage... La seule vision de ces hommes en combinaison anti-bactériologique ou nucléaire avec armes au poing vous saisie d'effroi, les annonces de la radio, peu claire (évacuation générale, conflit armé de dimension mondiale...) n'arrange rien, la mort brutale de certain(e)s et l'eau fluorescente laisse penser à des attaques bactériologiques ou chimiques, les gares et aéroports pris d'assauts sautent tour à tour, civils tués par une armée dépassée face à leur volonté de fuir, tremblements de terre dont on ne comprend pas l'origine, files de voiture interminables... La liste est longue. Tout est suggéré. Dans le réel, tout se passerait de cette façon là. On ne verrait rien, on aurait que des bribes d'informations, trop occupés à fuir et à survivre ...
Alors, oui des moments on s'emmerde ferme (jamais longtemps), on a envie de foutre une paire de claque aux réalisateurs et à Mathieu Amalric, Robinson, (excellent) et on a envie de leur dire: "c'est du foutage de gueule, on en a rien a battre des questionnements existentiels de ce mec!"... Puis peu à peu les souvenirs relatés prennent tout leur sens, au fur et à mesure de l'aggravation des événements. Puisque nous n'avons plus rien à perdre puisque nous allons tous perdre, pourquoi ne pas retrouver l'essentiel, l'amour.
Les dernières séquences, a partir de la scène d'hôtel avec Sergi Lopez, sont profondément saisissantes, intelligemment pensées, hantées par la l'angoisse de la mort définitive... Rien d'hédoniste là-dedans. Beaucoup de pessimisme au contraire. L'aveu d'amour de Sergi Lopez (très émouvant) à Amalric, une rencontre des corps amorcées mais impossible, son suicide, nu, par la fenêtre... Sa fille, dans le lit de l'autre chambre... Ils ont fait l'amour... Toutes les tabous tombent.
La scène du restaurant: le visage fantomatique de Clotilde Hesme transpirant de peur. La mort est de tout les plans. Clients abattus ou raides morts de façon subite en train de manger ou en train de faire l'amour. Peu importe. C'est l'impression d'instantanéité qui s'en dégage qui résonne. Mais ce qui surprend, ce n'est pas les corps nus, superbements filmés, mais c'est cette femme, morte seule dans son lit, livre à la main.
Puis la séquence du château, ça fait penser à du Bunuel. Surprenante et baroque apparition de Sabine Azéma. Le côté orgiaque et glauque de ce petit monde de privilégié est un peu caricatural, mais humoristique dans la chute... Cependant, la mort rode. Le sexe tente de tromper la mort.
Robinson, lui, respire la vie, et ne veut pas de cette ambiance mortifère. Il voudrait retrouver celle(s) qu'il aime ou qu'il a aimé. Au moins, essayer.
Paris. Superbe scène filmée dans le noir total, éclairé à la lampe électrique. Sidérant.
Puis la scène finale, réalité, souvenir ou fantasme ? On ose imaginer que c'est la réalité puisque l'essentiel n'est-il pas l'amour?