Je m'en veux. Une nouvelle fois, je me suis fait avoir par la critique. Pourtant, il y avait tous les signes habituels : un premier film réalisé par une critique, avec un enthousiasme désintéressé des confrères : "Singulier film-oxymore d'une grande réalisatrice en devenir" pour Excessif (le bien nommé), "un beau film d’aujourd’hui" pour les Inrocks, "l'élégance émouvante, la force joyeuse" pour Le Monde, et enfin, "Jouissance de l’insolite, parti pris de mise en scène perpétuellement surprenante, une grande réussite très recommandée" pour Les Cahiers du Cinéma : tout cela aurait dû me mettre la puce à l'oreille.
J'aurais dû me souvenir de "Tout est pardonné", premier film de Mia Hansen-Løve, une autre critique, ou des films qui ne sont plus les premiers d'autres anciens des Cahiers du Cinéma, comme "Je pense à vous", de Pascal Bonitzer, ou "Les Chansons d'amour", de Christophe Honoré : point commun de tous ces films et de cette "Famille Wolberg", la primauté absolue accordée à des dialogues hyper-écrits, avec une prétention littéraire insupportable. Ici, on est servi, et largement, avec des dialogues du genre : "Faire l'amour n'a rien de scandaleux, Simon - Si, l'amour est un scandale", ou "Oh, les vieux font toujours des chichis - Toi, t'as toujours été vieux", ou encore "Tu crois que ça l'aidait à supporter l'approche de la mort ?".
Axelle Ropert définit ainsi son projet : "La Famille Wolberg" est un mélodrame familial, genre qui pose des questions dont j'aime la simplicité : qu'est-ce qu'un père de famille, comment un homme et une femme peuvent rester ensemble des années durant, comment laisser ses enfants partir et comment quitter son père et sa mère ?" Louable intention, mais le problème est que pour qu'on puisse s'attacher à ces personnages, il faudrait pouvoir y croire un minimum, d'autant plus que la réalisatrice a ajouté une dimension supplémentaire à son mélodrame familial avec la judaïté de Simon.
Or, tout dans la mise en scène, les dialogues et la direction d'acteurs nous laisse à distance. Dès la première scène, une discussion entre la mère, la fille et le fils dans la cuisine, tout sonne faux, depuis l'histoire de la rencontre entre elle et son mari jusqu'aux réactions téléphonés des enfants. La deuxième apparition de Simon, après une visite à son père, joué par Jean-Luc Bideau qui réussit à surnager, nous le montre en train d'inaugurer une école Maxine Brown, morte à 25 ans "sans avoir connu l'amour" (j'espère qu'elle n'ira pas voir le film, vu qu'elle est dans la catégorie Living people de Wikipedia), avec des contre champs sur les collégiennes qui pouffent, sans qu'on comprenne ce qui les fait rire.
Tout est à l'avenant dans ce film : le personnage du beau-frère bohéme, la jalousie de Simon envers l'ancien amant de Marianne (joué par Jocelyn Quivrin qui réussit à rendre crédible son stéréotype de personnage), jusqu'au cancer de Simon dont on se contrefout sans même en avoir mauvaise conscience (à la différence de Jacques Gamblin dans "Le Premier jour du reste de ta vie"). Une scène résume pour moi la prétention surannée de l'ensemble : Benjamin, le fils Wolberg, demande à son oncle pourquoi son père dit de lui qu'il est en dehors de la vie ; Alexandre dessine alors par terre une ligne à la craie symbolisant le in et le off, et les voilà qui sautent à pieds joints de part et d'autre du tracé. Jacky Goldberg a trouvé dans les Inrocks que cela faisait "d’une idée littéraire un émerveillement cinématographique" ; j'ai trouvé que c'était d'un ridicule achevé.
Ces 80 minutes m'ont paru interminables, et les seuls moments où je me redressais dans mon fauteuil étaient ceux où on entendait les chanteurs de northern soul dont on voit les photos sur le mur de la chambre à coucher des parents : ça fait bien long pour un clip.
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