François Magal explique sa démarche : "Une épopée est un film sensible, je veux dire par là que c'est sa sensibilité, sa façon de respirer, qui bâtiront son identité et sa légitimité. Une épopée ne joue pas dans la cour des gros bras, des affirmatifs, des bruyants, mais dans celle de ceux qui demeurent en retrait, solitaires, et regardent le monde à travers leurs propres yeux. Ils voient les choses autrement. Je ne suis sûr d'à peu près rien. La maîtrise ne m'intéresse pas. Sinon je construirais des avions, des machines, avec le maximum de précautions pour qu'elles ne se cassent pas la gueule. Là non. J'en accepte le risque."
Ce film est chaudement recommandé par Mathieu Amalric, qui déclare dans le dossier de presse : "Une épopée. Ha ce titre ! La bonne blague. L'ironie, la lucidité, les regrets, les illusions perdues de ce titre sont sans fin. C'est très cruel. Rarement, on sait résister au romanesque. Je veux dire, quand on a l'occasion de faire un film, quand on s'est battu pour convaincre tant de gens, le moment donné, on peut se sentir obligé, par faiblesse, d'embellir. Là on a un type, François Magal, qui ne lâche rien et ça fait très mal. A tel point qu'on peut lui en vouloir. J'ai rarement eu autant envie de hurler pendant un film. Envie qu'ils se touchent, se tapent, s'engueulent, n'importe quoi mais pitié restez pas comme ça. Vous allez vous faire mal. C'est pas possible. Est-ce le vent, la pluie du pays, qui les tétanisent ? Ou peut-être est-ce la façon qu'ils ont de se trouver. Ils auraient des sondes, des transmissions secrètes et intimes, comme dans tout couple que Magal nous laisse deviner dans son attention douce à lui, ses sourires mystérieux à elle. Pourquoi je pense à L'Atalante de Vigo."
L'histoire d'amour qui est au coeur de Une épopée fait dire à François Magal : "C'est un film romanesque. C'est un film américain, dans les espaces, ceux des espérances d'êtres humains cherchant leur destin, vers l'Ouest." Mais il ajoute : "C'est dans le principe du film d'être en retenue dramatique, non comme un dogme, mais une façon de se mettre à portée du couple. J'ai l'impression que le manque nous rapproche du plus sincère des êtres. Les japonais font très bien ça, s'asseoir sur le haut d'un talus, au soleil, avec les herbes folles et les insectes qui crissent. C'est donc un film américain, un peu japonais aussi." C'est ourtant bien en Irlande que se situe l'action, du film. Mais attention, prévient le cinéaste : "L'Irlande d'Une épopée n'est pas une carte postale. L'Irlande ça ne demande pas beaucoup d'effort pour épater. Le film n'en rajoute donc pas. Les êtres humains y sont au coeur. Ce sont eux les paysages."
Avant Une épopée, son premier long métrage, François Magal est parti tourner des documentaires aux quatre coins du monde : il a filmé des Inuits au Groënland, les hommes qui partent tondre des moutons en Patagonie, des villageois à Kilcrohane (en Irlande, déjà), la population roumaine. Il a également créé la maison de production No film, qui a financé des courts métrages des frères Larrieu, Eugène Green ou encore Bertrand Bonello.
Le producteur Cyril de Gaspéris reconnaît, et revendique, le caractère atypique du film : "Produire Une épopée, c'est d'abord s'interroger sur la place aujourd'hui d'un tel film dans le cinéma français. A l'écart des urgences du monde, fuyant les enjeux classiques d'une intrigue, porté par le voyage de ses personnages, il ne répond à aucune attente, osant simplement exposer un fragment de vie, le temps de quelques saisons, le temps d'un enfant qui grandit, le temps qu'il faut à un jeune couple pour mesurer ses limites, lorsque se fendent imperceptiblement leurs rêves, plongés dans l'inconnu d'une vie commune."