Henri-Francois Imbert a commencé à imaginer ce film le jour où il a rencontré Hilaire Arasa, de manière tout à fait fortuite, il y a six ans aux halles de Narbonne. "Mes petites amoureuses est une des expériences de cinéma qui m'a le plus impressionné, raconte le réalisateur. J'avais ressenti le besoin de le revoir pendant le montage de mon précédent film,No pasaràn, album souvenir. J'y cherchais quelque chose, un rythme, un souffle. Lorsque j'ai rencontré Hilaire quelques semaines plus tard, je me suis rendu compte que l'expérience de ce film, dans lequel il avait joué trente ans plus tôt, était encore très présente pour lui ; et il m'a dit que depuis trente ans, il avait pensé chaque jour à cette rencontre avec Jean Eustache. C'est cette phrase qui m'a donné envie de faire un film."
"Je ne savais pas ce qu'il y aurait dans ce film, mais cela devait forcément tourner autour des Petites amoureuses d'Eustache, confie Henri-Francois Imbert. C'est le point de départ et le centre du film, l'objet de notre désir commun avec le personnage principal. Après cette rencontre, je me suis laissé guider vers tout ce à quoi le film d'Eustache pouvait conduire, tout ce qu'il pouvait réactiver par sa seule évocation, sa seule présence à nouveau dans la vie de ses protagonistes d'il y a trente ans. Et j'ai commencé à voir la vie et à la filmer sous l'éclairage particulier de ce film, et bien sûr de toutes les questions qu'il conduit à se poser sur les trente années écoulées depuis, sur ce changement d'époque que nous sommes en train de vivre et qu'il met en perspective."
Le film est tourné en film super 8 et en vidéo numérique. Henri-Francois Imbert utilise la caméra super 8 pour des images rapides, "des premières impressions très instinctives, comme une caméra de voyageur". "La vidéo me permet d'avoir facilement un son synchrone en tournant seul, et surtout de pouvoir écouter et attendre sans rien brusquer, sans penser au temps qui passe et aux dépenses qu'une telle écoute induirait en pellicule, raconte le réalisateur. Et puis il y a les photos du tournage d'Eustache prises par Pierre Zucca, le cinéaste qui était également photographe de plateau. Au fil du montage, ces photos ont permis d'ouvrir un espace à part dans le film, une trace de ce moment du tournage, de cette aventure qui a réuni une bande de jeunes Narbonnais et une équipe de cinéma autour d'Eustache. Et on a poursuivi avec Céline Tauss, la monteuse, le travail sur les images fixes qu'on avait déjà abordé pour les cartes postales de No pasaràn, album souvenir. Il s'agit toujours de créer un rythme, de trouver la bonne durée de chaque image pour que le spectateur puisse la regarder vraiment et développer sa propre lecture ; mais cette fois-ci on a pu ajouter des éléments sonores, très discrets, mais qui donnent de la profondeur à l'image, et qui auraient été trop illustratifs sur les cartes postales des réfugiés de 1939."
Henri-Francois Imbert explique la façon dont il a élaboré ce film : "Je collecte tous ces matériaux au moment même où l'histoire se déroule, et en même temps je commence une sorte de montage sur papier, en imaginant des séquences à partir de ce que j'ai filmé, et des enchaînements entre ces séquences, qui me donnent des pistes pour la suite du tournage. Après, je rassemble ces notes et j'écris la narration, la voix off qui sert de colonne vertébrale au film ; et le montage commence, dans la continuité chronologique du film, en s'appuyant sur ce texte qui devient une sorte de scénario."
Pour Henri-François Imbert, dans un documentaire, il y a une histoire à raconter. Ce qui l'intéresse, c'est la place du spectateur par rapport à l'histoire. "J'essaie de créer un espace pour que le spectateur puisse approcher ce que j'ai moi-même pu approcher, en essayant de ne pas fermer le sens, mais au contraire de le laisser très ouvert, pour que l'on soit libre de faire des associations entre différentes séquences auxquelles je n'ai peut-être même pas pensé, commente le cinéaste. Le montage du film, c'est un moment où je mets en rapport tout ce que j'ai collecté, toutes les rencontres que j'ai faites pendant le tournage, selon un chemin précis qui est le mien, mais on peut imaginer que les spectateurs puissent défaire cette construction pour en refaire une autre, en y voyant des choses que je n'ai jamais vues. C'est une des différences avec la fiction dans laquelle le scénario existe en général avant le tournage. Dans un documentaire, le scénario s'invente en direct, et il y a des choses que l'on ne voit pas au tournage, et qui nous échappent parfois encore au montage."
Le Temps des amoureuses tisse de nombreux liens avec No pasaràn, album souvenir, le précédent film de Henri-François Imbert. "Je crois que mes films s'inscrivent dans une sorte de continuité qui retrace un chemin, un travail sur le cinéma et sur le réel, en essayant à chaque fois d'aller un peu plus loin, commente le cinéaste. Et c'est véritablement la sortie de No pasaràn, album souvenir qui a fait qu'Hilaire m'a recontacté, après notre première rencontre. C'est le lendemain du jour où il est venu voir ce film à Perpignan que je suis allé le filmer pour la première fois en Cerdagne. Le tournage du nouveau film s'est imbriqué dans l'histoire du précédent, comme si cette nouvelle histoire prenait le relais de la précédente, ou venait la prolonger."
Le Temps des amoureuses a été présenté dans plusieurs festivals : le Festival international du film documentaire de Marseille, les États généraux du film documentaire de Lussas, le Festival du film de Gindou, le Festival Doclisboa du film documentaire de Lisbonne, le Festival Entrevues de Belfort, le Festival international du film francophone de Tübingen et Stuttgart, et le Festival du film de Vendôme.