5,0
Publiée le 13 août 2008
Film incroyable par la conjonction d'une quasi-absence d'effets cinématographiques et du point de vue proche du documentaire (le réalisateur ne juge pas les personnages et n'en privilégie aucun).
Le spectateur sur le qui-vive remarquera l'absence d'autorité(es), comme si toute la région de Naples était à l'abandon (sentiment renforcé par le style des HLM !). Mais la plus grande horreur-stupéfaction vient de ce qui n'est pas montré...
4,0
Publiée le 16 octobre 2012
Pour adapter le best-seller de Roberto Saviano (qui a participé au scénario), Matteo Garrone a choisi un parti pris formel très clair : "Pour recréer l'impact émotionnel que j'ai ressenti en me rendant dans ces territoires, il m'a semblé que ma réalisation devait être la plus discrète possible. L'histoire suggérait elle-même ce langage très simple ; toute volonté de beaux cadrages, de beaux mouvements de caméra était rejetée assez naturellement par le film. Les reportages de guerre que j'ai vus m'ont influencé aussi. Je voulais donner aux spectateurs la sensation qu'ils se situent au coeur de l'action. Je voulais qu'ils puissent ressentir les odeurs."

La première scène du film semble contredire cette intention : quatre petites frappes se prélassent dans un institut de beauté, auréolés de la lumière bleutée des cabines U.V., quand ils se font abattre à bout portant. Cette scène d'ouverture dans une telle atmosphère irréelle plante le décor, puisque nous ne reviendrons plus sur cette épisode. Il montre juste la détermination et l'organisation de ces tueurs qui sortent tranquillement de la boutique, après avoir déposé leurs calibres dans un sac qu'évacue une jeune fille.

Ensuite, le réalisateur se conforme à son intention, évitant l'esthétisme gratuit, même s'il montre un sens aigu du cadrage, tant pour restituer l'architecture carcérale du H.L.M. où se déroule l'essentiel de l'action, que pour filmer les espaces naturels où les camorristes viennent déverser les déchets ou essayer leurs armes. Il manifeste aussi une véritable maîtrise du montage, notamment dans l'alternance de plans serrés et de plans très larges qui souligne ainsi la complicité silencieuse de toute une population.

On est vraiment loin de Coppola, Scorsese ou DePalma, même si les pitoyables apprentis affranchis citent en permanence Tony Montana. Contrairement aux "Affranchis", à la saga du "Parrain" ou à "Scarface", on ne suit pas de l'intérieur le fonctionnement de l'honorable société. Plutôt que de montrer les parrains et leurs lieutenants, Garrone a choisi de s'intéresser à la Camorra d'en bas : Don Ciro, "caissier" chargé de distribuer les allocations que le clan a décidé d'attribuer aux familles des affiliés morts ou en prison ; Marco et Piselli, deux pieds nickelés dont les minables exactions dérangent la quiétude du trafic "officiel" ; Maria, déclarée persona non grata dans son propre quartier parce que son fils est un "sécessionniste" ; Toto, un gamin serviable qui fait les livraisons de l'épicerie de sa mère mais qui est fasciné par les caïds du quartier ; Pasquale, un chef d'atelier de haute couture (avec la tête de Delanoë !) qui accepte de coacher des couturiers chinois ; Franco, un camorriste en costard, qui organise l'enfouissement de déchets toxiques.

D'abord éclaté, le récit prend petit à petit sa cohérence, et les destins des uns et des autres finissent par se croiser - ou pas. Il mélange efficacement le déroulement des différentes intrigues, et la description de la vie sous la coupe de la Camorra : le "casting" des portes-flingues, où chaque impétrant rentre à tour de rôle dans les ténèbres pour se faire tirer dessus protégé par un vieux gilet pare-balle ; la mobilisation de dizaines de guetteurs pour permettre le deal de drogue à grande échelle ; la réquisition de gamins de douze ans pour conduire des camions que leurs chauffeurs ont abandonné quand ils ont découvert ce qu'ils contenaient ; le commentaire de la victime d'un attentat à la bombe qui rigole en le qualifiant de relance de paiement, ou celui de Don Franco qui proclame que c'est grâce à des gens comme lui "que ce pays de merde est rentré dans l'Europe".

Les dialogues reflètent aussi cette empreinte de la loi mafieuse sur les âmes : "Je répéterai à qui de droit", "Tu es avec nous ou contre nous", "Ne pense pas, c'est à nous de penser". Loin des costumes en alpaga des affranchis, les tueurs sont bedonnants, en tongs et en débardeur, même s'ils circulent en Austin mini. Comme dans les pires cités de France, la police n'apparaît qu'en nombre, comme une force d'occupation. Il y a bien quelques notes d'espoir, comme la trajectoire de Roberto et de Pascuale qui montrent qu'il est possible de dire non à l'inéluctable, même si c'est au prix de l'exil.

Grand Prix du Jury mérité du Festival de Cannes, "Gomorra" allie l'intelligence narrative à la précision documentaire, tout en évitant toute complaisance pour ces misérables sicaires. La preuve en est qu'on peut être sûr que dans aucune cité en Europe, on ne prendra pour modèle Toto, Marco ou Piselli, pourtant bien plus réel que Tony Montana ou Tommy de Vito.
http://www.critiquesclunysiennes.com
0,5
Publiée le 1 septembre 2010
Le film aurait pu être intéressant s'il n'avait pas été si confus. Beaucoup trop de personnages, beaucoup trop d'intrigues parallèles, et du coup, on se perd et on décroche. Le rythme étant, en plus, assez lent, on s'ennuie beaucoup. Et comme le film est long, c'est d'autant plus dur. Pourtant, certaines scènes sont assez fortes, pleines de sens. Mais le cadrage volontairement heurté combiné à l'impression de confusion dans l'ensemble du film ne donne envie que d'une chose : que le film s'arrête.
4,0
Publiée le 15 juin 2016
Aux antipodes de ses illustres prédécesseurs "Scorcésien" ,  "Coppolien", et consort qui filmaient la mafia, ses héros et ses petites mains avec une certaine grandiloquence, « Gomorra » inverse les codes en jouant la carte du réalisme et de l’immersion, directement dans une quartier napolitain gangrené, où le fric tourne beaucoup, mais jamais le luxe. Réalisation complètement maîtrisée, parfois proche du documentaire, « Gomorra » reste une fiction, avec une multiplicité de personnages, auxquels M.Garrone prend le temps de décrire et de faire évoluer. On a parfois du mal à les suivre au début, cela donne une impression de longueur, mais le puzzle qui contient beaucoup de pièces, donne au final une oeuvre dense et poignante. Jamais misérabiliste et complaisant, « Gomorra » avance doucement, salement, densément. Anti-spectaculaire et très efficace, vise le Milieu en plein cible.
4,0
Publiée le 20 juillet 2011
Ce film m'a impressionné, impressionné dans le sens où j'étais en totale immersion dans le film alors que le cinéaste met volontairement une distance entre son film et le spectateur.

Gomorra apparaît comme un mix entre documentaire, film choral et film sur le crime organisé. Or force est de constater que le mythe du gangster est ici totalement détruit pour laisser place à un film dur et d'un réalisme froid sans jamais tomber dans la surenchère ni dans la dénonciation. Au contraire, Garrone reste dans l'observation de la Camorra. A la manière d'un reporter il y observe les mécanismes, le terrain, les actes sans pour autant délaisser le côté fiction.
On y suit les destins croisés de plusieurs personnages n'ayant aucun rapport entre eux si ce n'est d'être embarqué dans la spirale du crime. Les personnages qui m'ont le plus marqué restent les deux potes se prenant pour Tony Montana, c'est l'illustration-même du côté trop glorifiant que la majorité des personnes imaginent de la mafia alors que la réalité est toute autre. Ce film m'a vraiment oppressé, je ne sais pas vous mais moi je craignais le coup de feu à chaque instant, j'étais vraiment plongé dans l'ambiance.
La mise en scène de Garrone est intéressante. Celui-ci offre une forme extrêmement épurée et pourtant si belle... La photographie est à tomber et la réalisation est excellente. Les personnages, les décors sont sans artifice aucun poussant le réalisme à l'extrème.


Ce film n'a pas volé son grand prix à Cannes en 2008 tant il fait preuve d'une grande intelligence sur tous les niveaux. Ce côté aride et anti-spectaculaire sert le propos avec brio, la mafia est démystifiée pour mieux nous en dresser le portrait sans concession, ce qui correspond à sa véritable image. Un film coup de poing!
anonyme
Un visiteur
4,0
Publiée le 2 septembre 2009
A trop vouloir ressembler à un documentaire, le film perd un peu de rythme par moments, c'est là la seule critique que j'ai à formuler. Quitte à jouer cette carte, pourquoi ne pas lever toute ambiguïté et proposer un docu-fiction? Néanmoins, il faut tirer notre chapeau à Matteo Garrone qui à juste titre détruit le mythe du Scarface à qui tout réussit. La vie n'est pas ainsi faite et elle n'appartient pas toujours aux plus ambitieux, voila ce que nous rappel le réalisateur. Les armes ne font pas des héros mais des veufs/veuves. Et la mafia, tel le cancer, ronge tout de l'intérieur et sabote les fondations afin que plus rien ne sois envisageable sans qu'elle n'ai son mot à dire. Merci également aux acteurs qui livrent une prestation remarquable. Le happy end n'a pas lieux d'être dans un monde tel que celui de la mafia et ce film, sans rentrer trop dans les détails nous dépeint une plus que cruelle vérité. Un retour à la terre pour ceux qui auraient la tête dans les nuages.
3,0
Publiée le 13 septembre 2012
Gomorra a de très bonnes volontés, et c'est seulement pour cela que je le note 3/5. Matteo Garrone est désireux de nous montrer la mafia napolitaine sous son vrai visage, et non dans un format cinématographique qui embellirait le crime. Anti-scorsese et Coppola clair, Garrone démontre la pourriture d'un systeme, d'une ville gangréné par le crime, où comment des jeunes sans repères finissent par dealer de la coke et revendre des armes, et comment des vieux criminels ne sont pas des Vito Corleone mais des gros beaufs avides de thunes et sans morale. C'est une réussite : effectivement personne n'ira targuer que l'univers napolitain est passionnant, qu'il est classieux, qu'il fait envie, juste énervera-t-il ou horrifiera-t-il. Cette réussite vient de la mise en scène volontairement "sale" : souhaitant casser le mythe, Garrone supprime tout glamour et nous balance un casting d'acteurs gros et gras, boutonneux, kékés, laids comme des poux, pas rasés, crades. Le cadre est moche, généralement insalubre, le ciel est gris et la mer aussi, les déchets trainent ici et la ; Naples n'est pas montré sous son meilleur jour, l'action prenant place le plus souvent dans des banlieues vieillissantes mal famées. Mais si le côté "réaliste", quasi-documentaire du film est une réussite, cela se paye au niveau cinématographique. L'italien film sans effets, sans style, dirige des acteurs énervants, produit un rythme lent (peu adapté à une durée de 2h10), et si on loue le réalisme, force est de dire que parfois, on s'ennuie. Et si la direction d'acteurs reste bonne, on pourra critiquer un certain amateurisme dans l'écriture des dialogues, certes pas fins puisque on observe un monde de kékés, mais tout de même un tantinet cliché. La volonté de tirer vers le bas ce monde est trop marqué, presque trop partisane, malgré l'absence de toute vision politique ou de solutions apportées. Gomorra est donc une réussite sur son sujet et sur sa forme, mais le réalisateur italien semble encore trop amateur pour convaincre réellement de mener son projet avec force.
4,0
Publiée le 23 décembre 2008
Un film tout proche du documentaire, saisissant et révélateur d'une société qui n'est pas débarrassée de ses démons. Alors oui, c'est long et il faut s'accrocher mais, toute proportion gardée, ça change de Don Corleone. Ici, on a affaire à la vraie mafia, l'Italienne, celle qui s'attaque forcément à plus petit qu'elle. Edifiant !
2,5
Publiée le 19 septembre 2008
Un long métrage troublant, à la fois réussi parce que remarquablement interprété et réalisé avec intensité, mais également limité par son hésitation permanente entre fiction et documentaire.
4,0
Publiée le 29 août 2008
GOMORRA c’est d’abord un film simple, sans artifice, qui dénonce de manière crédible des clans mafieux scandaleux, sans morale et politiquement incorrect. Mais c’est aussi le film qui a reçu le Grand Prix à Cannes cette année et l’on comprend pourquoi lorsqu’on assiste à cette œuvre percutante multipliant les personnages et leur histoire pour ne construire qu’un seul récit cohérent. Filmée en grande partie caméra à l’épaule (pour les scènes les plus insoutenables et tendues), le choix n‘est pas anodin puisque cela rend la fiction intelligemment nerveuse et réelle. Il n’y a pas de petits ou grands trafics, tout est dénoncé, abordé avec minimalisme et anti-héroisme, le film ne fait que rendre compte de faits et situations véridiques au sein d’une microsociété corrompue par la soif d’argent et de pouvoir et c’est d’autant plus choquant lorsque l’on sait que la mafia contribue parfois à des investissements légaux dans le monde. En dépit d’une vision très négative et chaotique de cette face du monde qu’on ne peut que déplorer (insécurité, drogue, délinquance, criminalité, pauvreté…) GOMORRA relève d’une grande maîtrise cinématographique de la part d’un cinéaste qui choque et interroge par ce film politique nécessaire et qui a amplement mérité sa récompense au 61ème Festival de Cannes.
4,0
Publiée le 26 août 2008
L’anti-Parrain absolu. Mais on est loin aussi de « Naples au baiser de feu », on ne vit jamais image aussi moche. Même le ciel est toujours gris, sale, plombé. Pas de palais décrépits, mais des HLM géants au-delà du sordide. La campagne, quelle campagne ? la désolation. Pas d’élégants capos, mais de gros lards en marcel /short de sport. Les payeurs ont des allures de petits fonctionnaires de catégorie C. Les ados n’ont qu’un idéal : des armes, tuer, boum-boum, faire du fric. Des décérébrés totaux. Des abrutis d’anthologie. Les enfants sont recrutés à l’école élémentaire. En choisissant de trahir la bande officielle du quartier pour une autre, ils mettent leur famille en danger. Trafic de drogue, trafics de traitement d’ordures (et de déchet toxiques en particulier), -voilà qui nous renvoie à l’actualité immédiate.
Au cours des dix premières minutes, on ne voit pas grand-chose d’autre que des biffetons –des liasses qui passent de mains anonymes en mains anonymes, que des mains anonymes épèlent…
Le reproche qu’on peut faire au film –et ce n’est pas un si mince reproche- c’est son manque de lisibilité. On se perd entre les différents personnages. Entre les trois différentes intrigues qui s’entrelacent, y a-t-il un lien ? Y a-t-il quelque chose qui les relie ? L’austérité, c’est le choix de Matteo Garrone. Pourtant, le film n’aurait pas forcément perdu à être un poil moins didactique –à s’écarter un rien du fait brut, pour draguer sans doute un public moins serré ? Car c’est un constat impressionnant, qui nous met en face d’une réalité, à deux pas de nos frontières. On ne pourra pas dire : on ne savait pas !
5,0
Publiée le 28 septembre 2008
Excellente peinture de la mafia napolitaine sur fond d'amitié , trahison et autres. Les acteurs ,peu connus, donnent à cette histoire une grande authenticité sans pour autant faire sombrer le film dans un documentaire pénible et lénifiant.Digne des plus grands films de francesco rosi.
4,5
Publiée le 15 août 2010
Que dire de ce film coup de poing? Plongés littéralement dans un univers mafieux ultra violent et ultra organisés, suivant point par point le des tin des personnages , nous ne pouvons que rester béa devant ce colossal chef d'oeuvre. Percutant, le style de Matteo Garrone dans sa mise en scene (tournée en semi documentaire) , est un nom du cinéma a d'ors et déjà retenir. Les acteurs non professionnels, inconnus, sont tout simplement incroyables de vérité. Matteone nous y expose implaccablement les faits laissant au spectateur le statut de juge . Une claque impressionnante et magistrale avec des petits clins d'oeil à d'autres films.
2,5
Publiée le 13 avril 2009
Froid et radical, "Gomorra" livre une vision réaliste de cette nouvelle forme de mafia à l'italienne dans laquelle personne n'est épargné. Seul bémol, Matteo Garrone se montre trop dissipé derrière une caméra archi confuse avec laquelle le spectateur se perd très facilement.
5,0
Publiée le 16 avril 2010
Oeuvre particulièrement osée et violente sur la Camorra, c'est ce que l'on peut dire dans un premier temps, mais elle reste avant tout remarquablement efficace.
Des meurtres à foison, des mafieux particulièrement sadiques et organisés, mais c'est la réalité qui s'y produit, pas au quotidien non plus et heureusement. C'est sur qu'après ce genre de dénonciations, l'auteur n'a pas du se faire que des amis. Mais le film qui en est dérivé est une merveille et valait le coup d'être adapté, histoire de se faire une idée. Et c'est beaucoup plus représentatif vu de l'intérieur.
Ce film se doit d'être vu par une majorité de personnes parce que ce qu'on pensait être une époque révolue comme celle des yakuzas est finalement toujours omniprésente.
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