Malgré le fait qu'il n'était pas habité par l'envie de faire du cinéma, Frédéric Lepage souhaitait raconter une histoire qui lui tenait à coeur, "parce qu'elle se passe dans une partie du monde que j'aime, qu'elle implique une philosophie de spiritualité qui me plaît et des personnages attachants". Tout a commencé lorsque Jean-Pierre Bailly, producteur entre autres du Dernier trappeur, lui a parlé de l'attirance du public pour des sujets abordant le lien entre la nature et l'homme. "Je lui ai raconté mon histoire, qu'il a tout de suite aimée, se souvient le réalisateur. Il l'a proposée à StudioCanal, qui a accepté. Compte tenu de mon inexpérience, Olivier Horlait a mis en scène avec moi le film."
Frédéric Lepage a souhaité que son film se déroule sur deux plans. "Au premier plan, on trouve Sunny, un adolescent qui rêve de devenir le cornac d'une éléphante qui s'appelle Dara, explique-t-il. Un homme, un éléphant, la paire ne peut pas être dissociée parce que l'éléphant connaît tout de son maître et réciproquement. C'est un couple formé pour la vie. Le vieux maître de Sunny s'y oppose parce que, selon la tradition, il faut faire partie d'un groupe ethnique - les Karen, un peuple venu d'Indonésie - pour pouvoir devenir cornac. Sunny est un orphelin de la ville et il va devoir se battre pour réaliser son rêve. C'est l'histoire essentielle."
"En arrière-plan, le propos est plus large, poursuit-il. Autrefois, les éléphants travaillaient avec leurs cornacs dans les exploitations forestières de teck. Les engins motorisés les ont rendus obsolètes et tous ces gens et leurs animaux se sont retrouvés chassés des forêts où ils étaient nés. Ils ont été mis au chômage et remplacés par des machines rutilantes qui n'ont pas besoin de vétérinaires et peuvent travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ces gens désemparés migrent vers les grandes villes pour tenter d'apitoyer les touristes. En échange de quelques baths, les visiteurs peuvent nourrir les éléphants et se faire photographier avec eux. C'est une condition dégradante qui s'ajoute au fait que la ville est un enfer pour eux. Ces hommes et ces éléphants n'ont malheureusement pas d'autre choix."
Frédéric Lepage dit avoir découvert la Thaïlande presque par hasard. "A l'époque, je travaillais sur mes documentaires en Australie et je devais fréquemment m'y rendre, confie-t-il. C'est un voyage exténuant, surtout à répétition. Un jour, on m'a conseillé de le couper en deux en faisant une étape à Bangkok. C'est ainsi que j'ai vraiment commencé à découvrir le pays. Je souhaitais une histoire avec ces éléphants parce qu'ils sont un symbole. L'éléphant, le plus gros mammifère terrestre, est un animal d'une noblesse extraordinaire. L'Inde aurait pu servir de cadre à cette histoire, mais les paysages et la spiritualité d'Asie du Sud-Est me paraissaient davantage de nature à toucher le spectateur européen, parce que l'on pouvait aussi y introduire beaucoup de drôlerie et d'insolite. Je connais bien la Thaïlande, où je réside une partie de mon temps, et plus précisément la partie nord près de la frontière birmane - entre Chiang Mai et Chiang Rai. Le peuple thaï est infiniment attachant."
Le film est également construit autour du mystérieux décalage entre la relation que l'homme entretient avec la nature dans le bouddhisme et chez nous."Le bouddhisme estime que la religion doit servir l'homme - et non l'inverse, commente Frédéric Lepage. C'est une religion qui tolère très bien que se juxtaposent à elle des superstitions ou des croyances qui peuvent aider l'homme. Les Thaïs vivent dans un monde peuplé d'esprits - l'esprit des arbres, l'esprit de la forêt, l'esprit des morts qui reste pour voir ce qui se passe. Il y a donc ce côté un peu magique - presque des histoires de fantômes - qui s'ajoute à la beauté de ce bouddhisme persuadé que la vie ne s'arrête jamais. Cette idée, au coeur du film, marque une différence de mentalité peut-être liée à la religion."
Le tournage s'est déroulé du 23 janvier au 6 avril 2007 avec deux équipes. Sunny et l'éléphant a par ailleurs nécessité une préparation très technique dont la période initiale a duré six mois, mélangeant repérages et casting. "Il était également crucial de faire ressentir aussi bien la violence naturelle du cadre urbain que l'absence de silence dans les forêts du Nord, commente Frédéric Lepage. Le son était vraiment très important."
Le choix des comédiens a débuté alors que Frédéric Lepage et Olivier Horlait étaient encore au stade préliminaire de l'écriture. Le premier enjeu était de découvrir l'interprète de Sunny. "Il porte le film sur ses épaules, déclare le réalisateur. Il devait paraître âgé de quinze ou seize ans au maximum et parler couramment anglais. Un oiseau rare ! Plutôt que de partir à l'aventure en organisant un énorme casting parmi tous les adolescents anglophones en Thaïlande, je me suis souvenu d'Anna et le roi, une énorme production américaine, tournée quatre ans auparavant, dans laquelle jouaient des enfants de douze ans qui devaient donc être maintenant dans la tranche d'âge qui nous intéressait. Un des enfants jouait le rôle du prince héritier de Thaïlande, un rebelle. J'ai pensé que les Américains avaient sûrement ratissé toute l'Asie du Sud-Est pour leur casting et trouvé le meilleur. J'ai fini par le retrouver. Malais de Kuala Lumpur, Keith Chin avait quitté la Malaisie pour vivre à Perth en Australie. Sa mère est professeur d'anglais, et Keith vit dans un pays où l'on parle anglais. L'audition qu'il a passée à Bangkok s'est révélée formidable. C'est ainsi que, sans même avoir à le comparer à d'autres, nous avons trouvé le premier personnage."
Par la suite, le casting a été plus classique. Il s'est déroulé à Bangkok, Hong Kong, Kuala Lumpur, Singapour et Manille. A Londres, l'équipe de production a trouvé Simon Woods qui interprète le jeune vétérinaire occidental. "Il joue dans la série "Rome" de HBO et on l'a vu aussi dans Orgueil et préjugés, poursuit Frédéric Lepage. Il est en plus très impliqué dans les questions relatives à la nature."
Pendant la période qui a précédé le tournage, tous les acteurs qui devaient passer pour des cornacs ont dû suivre une préparation intensive, car avant de monter sur un éléphant, il fallait qu'ils aient acquis un certain nombre de connaissances. Chaque acteur s'est ainsi vu attribuer un éléphant qui lui était propre. La phase de préparation portait également sur d'autres aspects. Keith Chin, l'interprète de Sunny, a notamment dû s'entraîner pendant un mois pour tourner une scène de boxe thaïe. Chrétien de confession, il a par ailleurs dû suivre une formation de quinze jours à la religion bouddhiste pour que ses gestes de prière et de méditation paraissent naturels.