Plus que son éclectisme, c'est l'amour que porte son réalisateur au cinéma que vient marquer d'une croix blanche Le Bon, la brute et le cinglé. Kim Jee-Won, esthète virtuose, ne cesse de chanter à travers chaque long-métrage son affection pour le cinéma de genre en en magnifiant les codes. Ici toutefois, et contrairement à ses précédentes réalisations qui maintenaient des priorités plus personnelles, la fête est totale, presque autant que chez un Tarantino dont le cinéma semble parfois entièrement dédié à l'hommage - on note d'ailleurs le clin d’œil respectueux et complice lancé par Jee-Won à QT dans la réutilisation d'une des tracks cultes de la BO de Kill Bill, le "Don't let me be misunderstood" de Santa Esmeralda. Forcément, cette entreprise festive, célébration du septième art dans sa dimension populaire, le plaisir immédiat qu'il procure et ses vertus presque thérapeutiques, ne pouvait se dérouler qu'à travers son genre le plus culte, le western spaghetti. Et par voie de conséquence, on ne pouvait imaginer d'inspiration autre que Sergio Leone et son mythique Le bon, la brute et le truand. Pourtant, ce pastiche coréen réussit assez à se détacher de cette figure tutélaire, notamment en convoquant des inspirations plus larges, Peckinpah par exemple, mais surtout en poussant l'hommage jusqu'au feu d'artifice. Une façon très fédératrice de s'approprier la culture internationale à une échelle locale, dans un décalage savoureux dont Jee-Won s'amuse lui-même. C'est ce qui me plaît dans ce film feu-follet qui jouit énormément du talent créatif de son maître d'oeuvre, sa propension à faire du cinéma quelque chose de si rassembleur. En dehors de ça, il y a pas mal à redire, dans la gestion du rythme comme de certains dérapages burlesques pas vraiment à mon goût. Entre la scène du train, filmée du feu de Dieu, et un déballage final qui ne déçoit pas, l'édifice paraît même bancal. Mais qu'importe, il est quelque part de ces films qui se dédouanent d'eux-mêmes, sans cesse au bord du faux-pas, mais si vite remis sur pied par leur fougue et leur légèreté que jamais ils ne trébuchent pour de bon. J'espérais qu'en venant appuyer le mémorable 2 Soeurs, Le Bon, la brute et le cinglé allait faire basculer Kim Jee-Won dans la catégorie des auteurs que j'apprécie particulièrement. Ce n'est pas le cas, mais à l'instar de The Quiet Family ou Foul King, il demeure un film agréable, plein d'entrain et d'une modestie salvatrice.