Le Fanfaron est un film de Dino Risi qui date de 1962. Il s’agit d’un film qui tient à la fois de la comédie dramatique et du road movie.
Ce petit chef d’œuvre du cinéma italien, met en scène deux grands acteurs, l’Italien Vittorio Gassmann et le Français Jean-Louis Trintignant, deux personnages que tout oppose, mais que le hasard va réunir au cours d’un périple routier dans une Italie écrasée de soleil en ce jour de l’Assomption.
Nous sommes dans les années 60, en ce 15 août, impossible de trouver un commerce ouvert. Bruno (Vittorio Gassmann) peste car il lui est impossible de passer un coup de fil ou d’acheter un paquet de cigarettes ... à Rome ! Il avise Roberto qui rêvasse à sa fenêtre entre deux pages du code civil qu’il révise assidûment pour ses examens de septembre. Roberto finit par laisser rentrer Bruno chez lui pour passer un simple coup de fil. De fil en aiguille, le très envahissant Bruno, finit par convaincre Roberto de l’accompagner dans une virée sur les routes italiennes.
On peut difficilement imaginer deux personnalités plus différentes, si Bruno est excentrique, séduisant, démonstratif, dragueur impénitent, insouciant, oisif et peu scrupuleux, en revanche, Roberto est renfermé, timide, mal dans sa peau, scrupuleux à l’extrême, respectueux des traditions, de la politesse et de la religion, travailleur acharné et terrorisé par les conséquences de ses actes.
Les deux hommes vont sans cesse s’opposer sur tous les points, mais Roberto s’effacera toujours devant la verve et le culot de Bruno, le Fanfaron. L’un finira par dévorer l’autre. Régulièrement, on entend en voix off les pensées de Roberto, tout au long du film il émet le désir de partir, de rentrer chez lui, de quitter cet encombrant compagnon, de faire demi-tour pour reprendre ses révisions. Il n’aura de cesse que de penser à son code civil resté ouvert sur son bureau à Rome, qu’il ne reverra pas. Roberto consulte sans cesse sa montre, parle de l’heure, de retard, regarde derrière lui, Bruno, lui ne regarde que devant lui, jamais derrière.
« Tu sais quel est le meilleur âge ? Bah, c’est celui que tu as ... Jusqu’à ce que tu clabotes, bien sûr ! » Cette phrase prononcée par le Fanfaron est prophétique et résume le film à elle seule. Bruno profite de l’instant présent et n’a cure du reste, Roberto est sans cesse dans le regret, dans la retenue, la peur de l’avenir l’empêche de vivre au présent.
Quand des prêtres en difficulté arrêtent la voiture des deux compères pour leur demander un cric, Bruno répond qu’il n’en a pas, quand Roberto veut venir en aide à une jeune touriste à qui on a volé la valise, Bruno l’arrête en lui expliquant que ce n’est pas son problème et qu’il a mieux à faire que d’aller passer le 15 août au commissariat. Par contre, il raconte volontiers qu’il a aidé une jeune automobiliste en panne, dont le radiateur était à sec. Il l’a emmenée … à l’hôtel, pour y prendre une chambre.
Le périple des deux hommes est marqué par quelques anecdotes, on ira rendre visite à des parents de Roberto. Bruno lui apprendra qu’un des domestiques est homosexuel, que sa tante a trompé son oncle avec le régisseur et que son cousin est le fils de ce dernier. Bruno a ce don de décrire la réalité, le présent, ce qui saute aux yeux, mais que Roberto est incapable de voir, trop occupé à redouter l’avenir. Roberto apprendra aussi que Bruno est marié à une jolie femme dont il est séparée, et qu’il a une fille qui va se marier prochainement. On découvre derrière le Fanfaron un personnage pathétique, derrière cette assurance et ce culot de façade, on découvre un homme puéril, fragile, qui a été incapable de faire les bons choix, de bâtir une vie, une famille. Bruno n’est ni mari, ni père, incapable de rester à la même place, c’est un nomade qui s’enfuit sur les routes à bord de sa Lancia Aurelia B24, l’autre star du film. Roberto, lui, ne songe qu’à revenir à son point de départ, son appartement à Rome et ses chères révisions.
Au fil de l’histoire marquée d’étapes improvisées, les deux protagonistes se trouvent séparés de temps en temps, Roberto tente de rentrer chez lui à plusieurs reprises pour fermer cette parenthèse finalement agréable, mais qu’il gâche, incapable de profiter de l’instant présent. Pourtant, à chaque fois, le destin réunit à nouveau les deux hommes. Roberto finira par avouer à Bruno qu’il lui doit les deux plus belles journées de sa vie, le Fanfaron a converti le laborieux étudiant en droit qui voulait devenir avocat «comme son cousin » (celui qui est né de la relation adultérine entre sa tante et le régisseur du domaine).
La fin, on la devine … dramatique.
Le Fanfaron est un grand film, une œuvre incontournable de ce cinéma italien des années 60, filmé en noir et blanc. La lumière est éclatante, l’image est belle, l’Italie est insouciante. C’est l’apologie de l’oisiveté, du farniente, des vacances, du twist, des aventures faciles sans lendemain et des belles voitures (italiennes bien sûr). Mais toute rêverie a une fin et la réalité est impitoyable. Ce voyage initiatique connaitra lui aussi un dénouement brutal, tout comme cette époque insouciante, car les plus belles choses ne peuvent durer. Rome, elle-même, ne fut pas éternelle.