« C’est de la camelote ces stores, ça se détraque tout le temps. »
Là où Molinaro amenait le film original avec une histoire noire de tueur à gages, permettant à l’histoire de se développer sous l’angle de Milan/Lino Ventura, dont les émotions contenues participaient à la progression narrative comme un personnage réel, Francis Veber (en caméo passant qui bouscule à 5’45), excellent dialoguiste, scénariste trop souvent prévisible, réalisateur médiocre, décide de partir dans la comédie d’entrée de jeu en modifiant le scénario original. En même temps, c’est lui l’auteur de la pièce « Le Contrat », c’est lui le scénariste du premier « Emmerdeur », il a un peu, légitimement tous les droits. Sauf que, comme il le reconnaîtra lui-même a posteriori devant l’échec commercial et critique de ce remake, une œuvre plébiscitée n’appartient plus à son créateur et on ne rigole pas avec un film culte. Laissons à Veber sa grande capacité de remise en question (sans doute ce qui lui a permis, comme scénariste et dialoguiste, aussi dramaturge, de nous offrir pas mal de chefs d’oeuvre depuis 50 ans).
Il y a ensuite le casting. Richard Berry, ombrageux, habitué pourtant d’autant de comédies, parfois loufoques, que de films noirs, est à mille lieues de la classe naturelle de Lino Ventura. Timsit, pourtant exceptionnel dans certains rôles et capable aussi de jouer des personnages attendrissants, en fait des caisses, loin, très loin de la neurasthénie agaçante et naturelle de Jacques Brel. La principale erreur de Veber est d’avoir pensé pouvoir remplacer ce couple unique et éphémère.
Autre erreur, il a pensé pouvoir remplacer un professionnel du détail, du rythme et du climat comme l’était Edouard Molinaro. Ayant pourtant travaillé avec les plus grands maîtres des comédies noires ou sociales françaises (Molinaro six fois, Lautner trois fois, Yves Robert deux fois, Pierre Granier-Deferre, Henri Verneuil, etc.), Francis Veber n’a pas beaucoup appris de ses maîtres derrière la caméra, que ce soit à la réalisation ou à la direction d’acteur·trices.
Cet Emmerdeur nouvelle version n’est qu’un vaudeville criard, mal joué, hystérique et raté.
Nous serons d’accord avec le réalisateur, scénariste, dialoguiste et dramaturge Veber : il y a des films cultes auxquels on ne touche pas même si on en est le créateur.