Pour son premier long-métrage, Jennifer Devoldère a décidé de jeter son dévolu sur la comédie sentimentale, un genre qu'elle adore et auquel elle rend hommage dans Jusqu'à toi. Elle a beau connaître par cœur les codes du genre et multiplier les clins d’œils à ses films préférés (Certains l'aiment chaud, Quand Harry rencontre Sally), son premier film repose sur une structure originale qui lui permet de ne pas sombrer dans les clichés romantiques. "Jusqu'à toi" raconte l'amour improbable entre une française et un américain qui a gagné un voyage à Paris grâce à une canette de coca-cola. Mais plutôt que de mettre en scène leur rencontre et de s'intéresser aux différents stades de leur relation naissante, Jennifer Devoldere a opté pour une toute autre voie. Les deux principaux protagonistes sont en effet de véritables handicapés sociaux qui préfèrent la solitude et leur imaginaire au contact de leurs congénères.
Leur rencontre physique ne se fera donc que dans le dernier quart d'heure du film puisque le lien qui va les unir sera un objet, en l'occurence la valise perdue par Jack à l'aéroport que Chloé a récupéré suite à une erreur d'acheminement
. Paumée dans ses rêveries adolescentes, celle-ci va tomber amoureuse du propriétaire de la valise et s'imaginer une personnalité grâce à son contenu. Un brin décalé dans sa structure, le film suit donc en parallèle la solitude parisienne qui mine Jack et les vaines tentatives de Chloé pour retrouver le propriétaire de la valise. Ce choix implique des allers-retours entre les Etats-Unis et la France ainsi qu'au sein de l'entourage de ces deux-là, bouées de sauvetage dont ils sont dépendants. Afin de crédibiliser le mode de vie choisi par Chloé et Jack, la réalisatrice
s'attache à montrer l'absence du père chez l'une et l'écrasante présence de la mère chez l'autre mais la courte durée du film
- quatre-vingt petites minutes - freine quelque peu l'empathie du spectateur. Pas désagréable pour un sou, l'histoire souffre toutefois de quelques temps morts et d'un manque de rythme qui plombe de temps à autre l'ambiance du film. Histoire de contrebalancer la vie monotone de ses deux héros, Jennifer Devoldère a adjoint au scénario une pléthore de seconds rôles dont très peu suscitent réellement de l'intérêt. On comprend par exemple que Chloé puisse trouver son patron aussi ennuyeux que possible mais
la scène où ils dînent ensemble - qui précède l'arrivée décisive de Jack - aurait été beaucoup plus marquante si l'héroïne ressentait ne serait ce qu'une vague sentiment pour son supérieur
. Cela aurait créé une dynamique amoureuse beaucoup plus triviale et donné un surplus d'intérêt non négligeable au film.
Une fois encore réduite à la collègue de travail râleuse et envahissante, Géraldine Nakache n'a pas assez de scènes pour s'imposer alors que les voisins interprétés par Valérie Benguigui et Yvon Back sont sans doute trop présents
. Il aurait été, à mon sens plus judicieux, de confier le rôle de confident de Chloé au personnage joué par Arié Elmaleh dont la comparaison perpétuelle avec le cinéma aurait apporté un décalage supplémentaire plus que salutaire. Sorti la même année que "Le concert" ou "Inglorious basterds", "Jusqu'à toi" fait un peu office de récréation pour Mélanie Laurent qui semble s'être amusée en jouant ce rôle qui ne marquera pourtant pas sa carrière. Séduisant dans son approche, ce premier long-métrage ne manque pas d'idées mais pêche par quelques approximations qui atténuent quelque peu le scénario singulier imaginé par la cinéaste. Ces erreurs de jeunesse n'entacheront pourtant ni le plaisir que procurent certaines scènes -
le jeu de piste inventé par Chloé, la relation entre Jack et le réceptionniste de l'hôtel
- ni la curiosité de voir "Et soudain, tout le monde me manque", deuxième film de Jennifer Devoldère.