En regardant l'encart de la colonne de gauche, je me suis aperçu qu'il n'y avait aucun film français dans les dix dernières critiques ; il faut remonter à 19 films pour trouver un réalisateur français, et encore dans un film américain ("Dans la Brume électrique"). D'accord, j'ai manqué "Les Beaux Gosses" et "Bancs publics", mais ce constat renvoie quand même à un manque d'attractivité de la production hexagonale récente.
C'est donc le premier film de Jennifer Devoldere qui est parvenu à m'attirer à nouveau, grâce à un pitch original et à la présence de Mélanie Laurent, dont la finesse du jeu était déjà perceptible dans la bande-annonce. Ces deux éléments se voient confirmés dans le genre relativement inhabituel dans le cinéma français de la comédie romantique ; l'idée du coup de foudre par valise interposée fonctionne, d'autant que la réalisatrice et scénariste a su imaginer les rebondissements nécessaires (au prix de pas mal de vols transatlantiques).
D'autre part, Mélanie Laurent confirme tout l'étendue de son talent qu'elle avait révélé dans "Je vais bien ne t'en fais pas", incarnant avec toute la subtilité nécessaire ce personnage de grande fille rêveuse perdue dans le monde moderne. Elle réussit à donner vie à des dialogues qui auraient paru ridicules dans tout autre bouche.
Hélas, tous les acteurs n'ont pas ce talent, et ne parviennent pas à dissimuler cette plaie du cinéma français, ce goût du dialogue archi-écrit, dont l'artificialité se trouve encore renforcée par une volonté de décalage. Le mari braillard de la voisine, la collègue de bureau mesquine, le patron lourdaud (Eric Berger, qui jouait Tanguy), le touriste anglais à la femme mutique, autant de personnages caricaturaux et de dialogues d'une finesse de cet acabit "Comment s'appelle ce plat ? - De l'andouille. - Ah, andouille... - C'est toi l'andouille".
Heureusement, il y en a parmi ces personnages secondaires quelques uns qui parviennent à trouver vie grâce aux acteurs : Valérie Benguigui en voisine bonne copine, Maurice Bénichou en hôtelier rancunier, et surtout Jacky Berroyer en père pongiste et paumé.
Comme souvent, la priorité a été accordée à l'écriture du scénario et des dialogues, et la réalisation n'apporte pas grand chose, avec une photographie blafarde et des choix de cadres et de mouvements sans relief, ou alors au contraire bien voyants (deux travelings compensés dans un même film, ça frise la faute de goût ; Scorsese s'était limité à un dans "Les Affranchis" !).
"Jusqu'à toi" ne m'a donc pas réconcilié avec la production française, loin de là. Par contre, la performance de Mélanie Laurent a encore accru mon impatience de la voir chez Tarantino, dans "Inglorious Basterds". Plus que 17jours à attendre !
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