Useless, présenté à la 64ème Mostra de Venise, a reçu le Grand Prix de la section "Horizons Documentaires".
Jia Zhangke précise ses intentions : "En suivant l'exemple des vêtements, nous avons filmé dans trois endroits différents et découvert la vie des gens dans des chaînes économiques distinctes. Les vêtements sont là pour nous couvrir, ils peuvent éveiller des sentiments et révéler une manière de vivre fondamentale. Les vêtements, qui forment une couche substantielle en contact étroit avec notre peau, portent en eux aussi des souvenirs."
Plus connu pour ses fictions, comme The World ou Still life, Lion d'Or à Venise en 2006, Jia Zhang Ke est également l'auteur de documentaires. Useless est ainsi le deuxième volet d'une "Trilogie d'artistes", après Dong, qui portait sur le peintre Liu Xiaodong.
Jia Zhang Ke explique comment sa découverte du travail de Ke Ma a déclenché son envie de réaliser Useless : "La première fois que j'ai rencontré Ma Ke, c'était dans son studio de Zhuhai où elle préparait la présentation de sa collection Wu Yong pour la semaine de la mode Automne/Hiver à Paris. Son travail allait beaucoup plus loin que l'image que j'avais de la création de mode à l'époque. À ma grande surprise, je me suis rendu compte que sa collection Wu Yong me faisait réfléchir sur les réalités sociales de la Chine, sans même mentionner l'histoire, la mémoire, le consumérisme, les relations humaines, et la grandeur et le déclin de la production industrielle. De plus, faire de Ma Ke le sujet de mon film m'offrait la possibilité d'observer les différents niveaux sociaux en suivant le processus de fabrication dans l'industrie du textile, de la création à la manufacture, et jusqu'à la présentation de collection."
Le titre du film, Wu Yong, désigne la collection de vêtements conçue par la styliste Ma Ke, on peut traduire ce terme par "inutile, sans intérêt". Elle explique le sens de sa démarche : "Ce que j'essaie d'exprimer avec Wuyong suit la même idée que ce film : malgré les changements du temps, le changement lui-même devient une formalité alors que le désir essentiel de l'esprit humain est immuable, c'est-à-dire le sentiment, l'amour. Wuyong est une quête de l'éternelle valeur de la nature humaine. Je veux créer quelque chose qui dépasse ma propre vie." Elle ajoute, concernant le film : "Je pense que ce que Jia veut montrer des vies des gens ordinaires à travers le langage cinématographique est tout à fait comparable à ce que je recherche à travers mes créations, à savoir une exploration de la valeur de la vie. Nous nous intéressons tous les deux à la nature humaine et nous observons des destinées tangibles. "
Un des aspects qui ont passionné Jia Zhang Ke est la dimension sociale et économique du vêtement : ""(...) beaucoup de jeunes dépensent bien au-dessus de leurs moyens pour s'acheter ces marques, ce qui suggère que la richesse ostentatoire est devenue l'index le plus important – peut-être l'unique – des valeurs sociales individuelles (...) La chose la plus révélatrice pour moi, c'est que cette folie oblitère la rétrospection. Mode et pouvoir sont très liés en Chine, et je sens qu'il y a aussi une connexion entre cette manie des nouveaux produits de marque et l'effacement constant de souvenirs historiques (...) Dans la culture chinoise, les quatre besoins humains de base sont “la nourriture, les habits, un toit, et un moyen de transport (...) . Dans les parties les plus reculées de la Chine, les ouvriers ordinaires n'ont besoin d'habits que pour se couvrir. Cela me donne la possibilité de faire le lien entre la manière dont ils sont habillés et la condition sociale de ces gens. Je crois que je me sers des vêtements comme d'un moyen d'observer la société. ”.
A propos des rapports entre documentaire et fiction, Jia Zhang Ke note : "On me dit souvent que mes films de fiction sont comme des documentaires et vice versa. Quand je tourne de la fiction, je cherche généralement à maintenir une certaine objectivité en présentant les personnages dans leur environnement. Quand je tourne un documentaire, je veux capturer le “drame” inhérent à toute réalité. Et je veux vraiment exprimer mes impressions subjectives."