Roc & Canyon : les secrets du tournage

Roc & canyon a obtenu le Prix spécial du jury au Festival de Vendôme 2007.

Au départ, Sophie Letourneur se destinait à la peinture. "J'ai commencé à faire des portraits de gens en super 8 parce que je n'arrivais pas à peindre les visages" confie-t-elle aujourd'hui. Etudiantes aux Arts décoratifs en section vidéo, elle réalise des travaux expérimentaux et documentaires. Auteur en 2004 d'un court métrage remarqué, La Tête dans le vide, elle signe en 2005 Manue Bolonaise, moyen métrage présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.

C'est la dernière scène de son précédent film, Manue Bolonaise, qui a donné à Sophie Letourneur l'idée de Roc & Canyon. Elle raconte : "Manue a 12 ans, elle est affalée sur son lit avec trois mecs qui se lancent des vannes. Elle n'est plus une enfant, elle veut faire comme les ados, elle entre dans la période " groupe ". Ce long plan séquence est différent du reste du film et c'est justement ce dernier plan qui m'a donné l'envie de filmer des groupes d'adolescents de 15-17 ans. Mais cette fois, pour filmer ce groupe, je savais que je ne voulais pas d'un tournage classique. Je voulais être tout le temps avec eux. Pour cela, j'ai écrit l'histoire d'un groupe qui se rencontre dans une colonie de vacances en recueillant divers témoignages, et je suis partie avec une vraie colonie."

Sophie Letourneur justifie sa volonté de rester constamment à hauteur des adolescents : "Tout d'abord, je n'aime pas situer les choses, je ne pense pas aider le spectateur en lui expliquant un contexte particulier. Je préfère lui faire vivre une expérience plutôt que d'expliquer un parcours. Puis c'est un fait que, lorsque j'ai vu ces adolescents, j'ai eu envie de les filmer en gros plans. Marion dégage une grande sensualité. Mais tous les colons dégagent cela. Leur corps est en ébullition car la motivation première d'une colonie n'est pas de faire du canoë mais de sortir avec un garçon ou avec une fille ! Pendant quinze jours, ils partagent nuits et jours, vivent sous des tentes, ne se connaissent pas et ne se reverront jamais, il n'y a pas les parents... Tout est permis, ils sont chauds comme la braise. Quand je regarde les adolescents, je sens ce sex-appeal."

La réalisatrice parle du travail avec les adolescents : "C'était un pari d'arriver sur ce quai de gare le premier jour de la colo, et de les découvrir au même moment. Mais j'ai besoin de ce côté excitant, des contraintes, des enjeux, des risques. J'aurais pu ne pas tomber sur Marion. Je pense que c'est elle qui porte le film. Quand je l'ai vue le jour du départ sur le quai, j'ai tout de suite su que je voulais la faire tourner, je lui ai demandé : " Est-ce que tu voudrais jouer un peu là dans le train ? Tu veux draguer le mec à côté ? (...) Aucun dialogue n'était écrit par avance, il y avait juste les situations, qui, de plus, évoluaient en fonction de ce qui se passait dans la colonie. Je leur donnais des indications précises, mais rien n'était écrit sur le papier."