Anthony Mann derrière la caméra, Gary Cooper devant : forcément, cette association de (très grands) talents en impose, surtout dans leur registre de prédilection qu'est le western. D'emblée, on sent que quelque chose se passe : on prend soin de présenter un personnage légèrement ambigu, mystérieux, brouillant les pistes sur son identité et ses motivations. Il n'est ainsi vraiment pas évident de deviner la façon dont va évoluer le récit, même les acteurs « secondaires » (Julie London, Arthur O'Connell) intégrant le récit sans que nous sachions quelle va être leur importance par la suite. Je trouve cette approche très intéressante, et malgré quelques éléments étonnants dans le scénario
(les bandits ayant attaqué le train s'avèrent des hommes de main de son oncle pour lequel il avait travaillé des années plus tôt, dont il retrouvera justement la maison en marchant le long des rails après avoir l'agression
), le réalisateur prend soin de ne jamais rendre quoi que ce soit simpliste ou manichéen, brossant, certes, le portrait de quelques vrais salauds (John Dehner, Jack Lord, excellents, notamment le second), mais portant également un regard assez complexe sur cet ancien mentor, criminel mais non sans un certain sens du devoir et de la « famille », amenant quelques scènes et situations fortes. Mann se plaît à brouiller les pistes, notamment à travers des décors qu'il exploite souvent brillamment, semblant vouloir jouer
la carte du huit-clos pour finalement s'exporter vers des terres nettement plus sauvages
, plus classique dans sa logique d' « émancipation » de la violence par la violence, mais où les souvenirs, les liens du sang rendent celle-ci plus difficile, douloureuse. C'est dans cette logique que le règlement de comptes final a lieu, brillamment orchestré par le cinéaste, pourtant presque éclipsé par cet
hallucinant combat entre Cooper et Lord
, dont la brutalité, voire la cruauté a de quoi stupéfier en cette fin des années 50. Fidèle à lui-même, le premier impose de bout en bout de l'œuvre sa présence et sa stature impressionnante dans un rôle (presque) sur mesure où il fait merveille. Même le dénouement résiste intelligemment à une facilité qui, pourtant, lui tendait les bras : hormis ce que j'ai pu brièvement évoquer précédemment et une scène « nocturne » sonnant vraiment faux par ses extérieurs et le rendu sonore (toujours très compliqué de tourner la nuit, même pour les plus grands), cet « Homme de l'Ouest » a fier allure.