La lecture de quelques critiques avait orienté mon choix, difficile cette semaine vu le nombre élevé de sorties intéressantes, vers ce qui était présenté comme une comédie sociale douce-amère, une sorte de résurgence des comédies italiennes de la belle époque de Scola ou Monicelli. Traiter la question de la vie des familles africaines dans les cités sous forme de comédie sur fond de canicule paraissait tentant. Et puis, François Dupeyron n'est-il pas l'auteur de "La Chambre des Officiers", un des films les plus intéressants sur les traumatismes de la Grande Guerre avec "La Vie et rien d'autre" ?
Premier plan, premières scènes, pourquoi pas ? Un plan fixe en légère contreplongée sur la devanture d'une boutique de beauté africaine d'où entrent et sortent des hommes et des femmes en boubous ou en baggys : on peut se croire aussi bien à Dakar, à Barbès ou aux Mureaux ; puis à l'intérieur de la boutique, la patronne délurée passe de la future mariée belle comme un coeur à la "reine-mère" qui accepte de se faire faire une coiffure de gala. On retrouve ensuite Sonia dans la laverie dont elle s'occupe, qui vide un S.D.F. venu se réfugier dans le sèche-linge. Début sympathique, ambiance originale, énergie des actrices, ça commence plutôt bien.
Mais très vite, voilà que s'ouvre la boîte à clichés : le père qui joue (et perd) toutes les économies de la famille au tiercé, y compris l'argent nécessaire pour la location de la salle du mariage, puis le grand frère qui se fait serrer par les keufs avec une barrette dans sa poche, puis la fille qui hurle son dégoût à son père, puis le frère qui se bat avec le père, puis la mère qui sépare tout ce petit monde : c'est un mélange étrange de "Cosby Show", d'"Affreux, sales et méchants", le tout joué comme un sitcom.
Le décès du patriarche et son enterrement dans la cave pour continuer à toucher la pension, sous les conseils avisés du voisin, Vieil Homme indigne joué par Claude Rich, voilà qui relance un moment l'intérêt du récit, d'autant que dans cet environnement rempli de petits vieux alors que grimpe le mercure, on se dit qu'il y a matière à une comédie féroce. Las, elle ne vient pas, faute d'avoir choisi un ton résolument acerbe. François Dupeyron ne s'y est pas résolu, et il navigue entre mélo social déjà vu plein de fois, chronique de la misère ordinaire et bluette sentimentale peu convaincante.
Mère Courage trace donc sa route entre Tatie Danielle hargneuse, voisin libidineux, cadette en cloque, benjamin qui insulte sa mère parce qu'elle a osé éteindre sa console et aîné qui lui balance à la tête l'absence du père (celui-là même qu'il voulait fumer trois scènes plus tôt). Ces soubresauts scénaristiques ne réussissent pas à combler le vide, et on s'ennuie très vite et très fort. La réalisation est à l'unisson de ce scénario sans nuance : puisqu'il fait chaud, les couleurs seront chaudes, et collons-y-donc un bon filtre jaune une bonne fois pour toutes ; et pour faire genre moderne, plaçons la caméra sur l'épaule, oublions l'horizontale et filmons comme si on était au front.
A vouloir à la fois témoigner de la vie dans les cîtés, présenter la difficulté des mères à élever des enfants dans un tel environnement, évoquer l'incurie du système hospitalier et du gouvernement Raffarin durant la canicule et raconter une histoire sur le modèle de "Quatre mariages et un enterrement "(C'est à ce film qu'il fait référence dans le dossier de presse), François Dupeyron rate toutes ces cibles et ne nous offre finalement qu'un remake poussif de "Black mic-mac", avec pour trait d'union une Félicité Wouassy dont la sincérité et l'énergie ne suffisent pas à combler l'aspect superficiel du personnage.
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