Je pensais vraiment pas que le film me toucherait autant, au point de devenir mon Miyazaki préféré. J'ai eu l'impression de voir une synthèse de tout ce que le cinéaste japonais faisait, amenée à un niveau d'excellence ultime, auquel la simplicité de ton n'est sûrement pas étrangère. C'est pareil dans tous ses films pourtant, mais ici il y a quelque chose de neuf, et c'est certainement l'environnement inédit qui me laisse penser une chose pareille. Miyazaki, grand cinéaste de la nature, " filme " donc la mer pour la première fois. Et la manière dont il occupe cet espace, dont il se saisit de tous les détails qui le composent, est tout simplement somptueuse. Miyazaki plonge littéralement le spectateur six pieds sous mer, lui donne l'impression de faire partie de ce microcosme, crée une osmose entre l'environnement dessiné et son public. Inutile de détailler le talent des studios Ghibli dans l'élaboration d'un monde crédible et vivant, qui contribue fortement par ailleurs à l'implication du spectateur. Chaque film de Miyazaki est un hommage de génie au dessin animé, à sa capacité à égaler la " réalité " dans la retranscription d'un monde et des sentiments. Ce génie c'est un peu le roi Midas qui transforme en or tout ce qu'il touche, ou bien un petit poisson qui défie aussi les lois biologiques pour devenir une fille. Communément on appelle ça de la magie.
Ponyo sur la Falaise est un film sensationnel, tout le temps. A la fois dans le spectaculaire comme dans un registre plus intimiste, à la fois dans le déchaînement furieux d'une mer ( grand moment époustouflant ), comme dans l'éveil et la découverte du monde par la petite Ponyo. C'est dans les moments les plus anodins de la vie quotidienne que le film émeut le spectateur au plus profond, comme dans cette merveilleuse scène où Ponyo se brûle avec son premier repas, provoquant l'attendrissement du spectateur. C'est tout simple, Miyazaki n'en fait pas des caisses, et ça fonctionne. C'est la même chose quant à la psychologie des personnages. Ici, pas la peine de développer à nouveau, Miyazaki est un formidable humaniste, et ses personnages le sont aussi. Ce qui frappe chez eux, c'est donc leur simplicité, ainsi que la sagesse qui les caractérise dans leur vision du monde. Chacun des " bons " personnages ( ici Lisa, Sosuke, Ponyo plus précisément ) est toujours ouvert aux autres, et surtout sans se poser de questions. Il y a chez eux une compassion naturelle dénuée de toute arrière-pensée qui ne peut que toucher parce qu'il s'agit là de sentiments nobles. C'est cela qui bouleverse autant, cette foi intense et inébranlable que Miyazaki place en l'humanité, ce message de solidarité, cette envie d'oublier tout amour-propre pour n'en garder que l'amour et la bienveillance envers nos semblables.
Ponyo est un des rares films de Miyazaki où il n'y a pas au moins une séquence dans les airs. Pourtant, on a le sentiment à plusieurs reprises que le film est touché par une grâce aérienne, notamment lors des séquences sous l'eau où tout est affaire de vitesse, de mouvements et " d'envolées sous-marines " qui laissent une même impression que les fabuleuses séquences d'autres films comme Le Château Ambulant ou Chihiro.
Le cinéaste ne se prive pas pour autant de filmer le ciel. Il y a quelques plans - très jolis par ailleurs - sur la lune. Et on se dit que Miyazaki ( " instant fantasme " ), après avoir exploré montagnes, forêts, et mers donc, pourrait s'envoler un peu plus haut et réaliser son 2001 à lui, prolongeant ses thématiques en explorant de nouveaux espaces, s'appropriant un nouveau lieu mais en gardant toujours son génie caractéristique.
Ponyo, cétimpec et cémagic. Et surtout, c'est du grand cinéma.