Suspiria est un film de Dario Argento dont on rebat les oreilles des étudiants de recherche en esthétique du cinéma, environ dix fois par cours. Ce matraquage explique qu'on a tardé (traîné les pieds et soupiré) à le découvrir. Malheur, horreur...les professeurs avaient raison (n'allez pas leur dire, surtout). Voici donc un film d'épouvante qui vous propose, en plus de servir d'étalon pour régler la colorimétrie de votre téléviseur, de suivre la descente aux enfers d'une nouvelle venue dans une école de danse très strictes. Aux règles drastiques, aux profs et élèves étranges, aux incidents paranormaux (les meurtres, les mains qui déboulent des vitres, les bestioles au plafond...), viennent répondre en écho la timidité et l'innocence de la jeune danseuse, comme une lutte vaine de la perversion et de la bonté, dont l'issue nous intéresse (surtout que Jessica Harper a une bonne bouille à laquelle on s'attache vite). Après bien des flashes de couleur (représentant la folie et la violence subies par la jeune bleue), après bien des sursauts (on s'est trop habitué à ces films modernes qui n'arrivent plus à surprendre sans couper le son trois plombes avant, alors ici que Argento laisse tourner la musique et qu'on a droit à la main qui déboule à l'improviste... Oui, on a bondi), on arrive dans une fin en véritable apothéose (
on découvre l'envers du décor des profs et du genre de pratiques atroces que subissent les élèves - la zombie ricanant aux grands yeux nous a donné des frissons - avec un effondrement du bâtiment satanique à la Carrie).
Ce Suspiria se révèle à la hauteur de sa réputation, avec son enquête menée par une détective improvisée qui change vraiment des poncifs du genre, son esthétisme ultra coloré (test de daltonisme gratuit : profitez-en), sa symbolique sur l'épanouissement féminin qui effraie, son adorable Jessica Harper et évidemment sa fin bouillonnant de fureur, de fantastique et d'horreur primaire. Une belle découverte qui n'a pas vieilli, sans besoin de magie noire.