Le thème est casse-gueule. Perdre un enfant semble la pire chose au monde. Nanni Moretti en a fait une superbe Palme d'Or, Gaël Morel un touchant film bancal, d'autres encore sans doute... Rabbit hole est adapté d'une pièce de théâtre mais on ne s'en rend pas compte. John Cameron Mitchell choisit de mener de front délicatesse et violence dans un mélodrame assumé qui ne sombre jamais dans l'obscène. Nous sommes là face à un couple qui vit encore malgré le drame, un couple qui se parle encore même si c'est quelquefois pour ne pas s'entendre, un couple qui cherche à continuer, de manière désordonnée mais presque optimiste. Ils sont deux, deux volontés, deux manières de vivre le deuil, deux manière de vouloir repartir. Toujours juste, le film se déroule et se développe en deux trajectoires différentes qui se croisent de temps à autre, le groupe de dialogue et la quête de l'insouciance pour lui, l'effacement du visible pour elle. C'est par leurs rencontres que tous deux se reconstruisent, la plus belle et la plus touchante, tant elle trouble et intrigue, est celle de Becca avec l'ado qui a tué le fils par accident. John Cameron Mitchell, son précédent Shortbus en atteste, sait merveilleusement bien filmer. La mise en scène élégante et tactile, le tempo millimétré, la manière si subtile de peindre les douleurs, nous feraient presque penser au superbe A single man. Si Rabbit hole ne se hisse pas au niveau esthétique et émotionnel du film de Tom Ford, il confirme le talent d'un metteur en scène qui a choisi une manière classique et donc atemporelle de raconter ses histoires. Si Shortbus parlait de sexe avec joie et mélancolie, Rabbit hole parle de deuil avec profondeur et légèreté. On se fout alors que les héros soient riches et conduisent de grosses berlines. La manière dont le couple vedette les incarne fait rapidement oublier le décor. A l'initiative du projet et co-productrice, celle qu'on croyait perdue dans le pays de Clooney (son "what did you expect ?" faisait cruellement écho au "what else" de Georges), nous rappelle qu'elle demeure une grande actrice (et ce, malgré le botox...). A ses côtés, digne et convaincant, Aaron Eckhart se montre à la hauteur. Notons également la délicieuse Dianne Wiest, l'excellente Sandra Oh et la révélation Miles Teller, profondément juste et touchant. Rabbit hole se tient de bout en bout. S'il ne sort jamais des rails, il n'en demeure pas moins un mélodrame assumé et délicatement ciselé.