La Piel que habito a été sélectionné en Compétition Officielle du Festival de Cannes 2011, à l'issu duquel il a d'ailleurs reçu le Prix de la jeunesse. C'est la cinquième fois que le réalisateur présente un de ses films sur la Croisette après Tout sur ma mère (prix de la mise en scène en 1999), La Mauvaise éducation (projeté en ouverture en 2004), Volver (prix du scénario en 2006) et Etreintes brisées (en compétition en 2009).
La Piel que habito est une adaptation libre du roman français Mygale de Thierry Jonquet que Pedro Almodóvar a dévoré il y a une dizaine d'années. Le réalisateur souhaitait cependant insister sur la cruauté et l'ampleur prise par la vengeance du chirurgien, un aspect qui n'est selon lui pas assez mis en avant dans le texte original.
C'est la deuxième fois que le réalisateur s'appuie sur un oeuvre littéraire, après En chair et en os, d'après une nouvelle de Ruth Rendell, en 1997.
Un grand secret a entouré la présentation officielle de La Piel que habito, à Cannes. En effet, avant que ne soit projeté le film, les journalistes n'avaient qu'une vague idée de son sujet et pratiquement aucune précision sur l'intrigue elle-même ; seul un extrait de 90 secondes avait été diffusé. Les acteurs eux-mêmes avaient été intimés au silence, limitant leurs déclarations à leur rapport au réalisateur.
Bien que le réalisateur refuse cette étiquette et déclare "ignorer les règles des genres", La Piel que habito marque la première incursion de Pedro Almodóvar dans le thriller fantastique. Ce renouveau, qu'il attribue avec humour à une "crise de l'âge mûr", a quelque peu décontenancé les journalistes lors de la première projection, à Cannes.
A la grande surprise du réalisateur, le distributeur français du film a fait le choix de garder le titre tel quel, sans le traduire. Un choix qui ravit Pedro Almodóvar, agacé par la "prolifération des titres nord-américains" et attaché aux versions originales (il refuse, par exemple, toute traduction simultanée lors de ses interviews). Pour lui, un film est une entité et se doit donc d'avoir un seul et unique titre, qui est celui que lui a choisi son réalisateur. De plus, il avoue fort apprécier la manière dont les Français prononcent "La Piel que habito"...
Le masque porté par le personnage de Vera est une référence directe au film français de 1959, Les Yeux sans visage. D'autres longs-métrages ont inspiré Pedro Almodóvar, parmi lesquels les premières oeuvres de Fritz Lang. Dans un premier temps, le réalisateur espagnol voulait d'ailleurs que La Piel que habito soit en noir et blanc et muet, utilisant des cartons pour les descriptions et dialogues.
Tout comme Antonio Banderas, une autre habituée des films de Pedro Almodóvar fait ici son grand retour : Marisa Paredes. Cette dernière avait déjà tourné devant la caméra de l'Espagnol pour Dans les ténèbres (1983), Talons Aiguilles (1992), La Fleur de mon secret (1995), Tout sur ma mère (1998) et Parle avec elle (2001).
Alors que le film n'était qu'à l'état de projet, Pedro Almodóvar avait proposé le rôle de Vera, la femme-créature, à Penélope Cruz. Celle-ci, qui avait accepté à l'époque, part finalement dans les Caraïbes donner la réplique à Johnny Depp. Pedro Almodóvar confie alors le rôle à Elena Anaya, qu'il avait déjà dirigée dans Parle avec elle en 2001.
La scène d'ouverture du film (une vue d'ensemble de la ville de Tolède) est un clin d’œil au réalisateur Luis Buñuel. Pedro Almodóvar a ainsi essayé de refaire exactement le même plan que celui tourné par son modèle dans le film Tristana, en 1969.
Pedro Almodóvar a voulu faire des écrans et caméras des acteurs à part entière du film. Le réalisateur en a ainsi placé partout, de toutes les tailles, et incité ses acteurs à ponctuer leur jeu de "regards caméra". Outre le sentiment d'oppression qu'ils véhiculent, ces dispositifs permettent de créer une disproportion pleine de sens : dans un monde où personne ne peut échapper à l’œil de la caméra, c'est notre taille à l'écran qui détermine notre importance ou notre fragilité. D'où un jeu constant de zooms, de gros plans et d'"image dans l'image".
Le choix du Brésil comme pays d'origine de Maria et ses deux fils a de quoi surprendre de la part d'un réalisateur qui nous avait habitués à mettre l'Espagne au centre de ses films. Outre le rapport évident qui relie le pays lusophone au thème de la chirurgie esthétique, Pedro Almodóvar explique son choix de la manière suivante : "J'ai décidé que Marilia et ses deux fils devaient être originaires d'un pays lointain dont la culture serait basée ni sur le complexe de la culpabilité ni sur le péché, bref, un pays où ils n'auraient pas reçu une éducation judéo-chrétienne."
La Piel que habito marque les retrouvailles de Pedro Almodóvar et Antonio Banderas, qui n'avaient plus tourné ensemble depuis Attache-moi ! en 1989, film qui avait révélé Antonio Banderas sur la scène internationale. Il s'agit de la sixième collaboration entre les deux Espagnols, après Le Labyrinthe des passions (1982), Matador (1986), La Loi du désir (1988), Femmes au bord de la crise de nerfs (1989) et Attache-moi ! (1989).
L'acteur parle ainsi de "retour au pays, à [ses] racines [...], à la maison artistique dans laquelle [il a] grandi", et ce malgré une méthode de travail tout à fait nouvelle. En effet, le cinéaste explique que si, par le passé, il avait tendance à laisser Antonio Banderas improviser et communiquer sa fougue à l'écran, il l'a cette fois-ci dirigé d'une main d'acier pour transmettre au spectateur un impression de distance et d’austérité.