Pour son retour en Espagne après vingt-quatre ans d’exil aux USA puis au Mexique, Luis Buñuel réalise un brulot violemment anti chrétienté : « Viridiana », qui sera interdit en Espagne jusqu’en 1977 et au Portugal (1976). En premier, l’institution catholique avec le couvent, froid et convenu, plus intéressé par la reconnaissance matérielle que par l’humanité, avec une dernière scène entre la mère supérieure et Viridiana (Silvia Pinal) qui est une synthèse de rapports congelés, sous un vernis de relationnel bienveillant circonstancié. Puis la destruction du mariage religieux avec la robe immaculée, mélange obsessionnel de relation incestueuse habillée de nécrophilie (le couple sexe – mort est récurent chez le cinéaste). Enfin, la charité chrétienne avec les clodos, qui débouche sur orgie, saccage, tentative de viol et meurtre après la Cène reconstituée (coupée en Italie jusqu’à la fin des années quatre vingts). Comme dans « Nazarin » les actes que Viridiana, qui se veulent dans la lignée de ceux du Christ, débouchent constamment sur des situations contre productives. L’aspiration à l’élévation se muant dans le réel en une descente vers la bestialité primitive. A l’opposé de Vincente Minnelli où elle finit par transcender la réalité, chez Buñuel la sordide réalité la détruit. Mais contrairement à l’opinion établie, le scénario est très en retrait sur l’aspect social. Les pauvres servent essentiellement l’attaque contre la charité chrétienne et la critique de la bourgeoisie s’en remet uniquement à la névrose d’un homme (Fernando Rey excellent). Sur ces deux plans, « Los Olivados » pour le social et « El » sur la maladie mentale, semblent autrement plus puissants que « Viridiana. Toutefois, au crédit, un érotisme dont la censure en voulant sauver l’aspect moral de Viridiana, a interdit la fin voulue par Buñuel, où elle rejoignait son cousin dans la chambre à coucher. Le cinéaste en créa une autre, bien plus libertine, avec la bonne (Margarita Lozano) dont la sensualité, cachée comme l’eau qui dort, se révèle progressivement. Magnifiquement interprété et souvent brillant quant à la mise en scène, « Viridiana » fut récompensé par la palme d’or au Festival de Cannes en 1961.